26 Octobre 2014
La nouvelle est tombée hier soir...
Je n'en ai presque pas dormi...
Et je ne suis pas la seule...
Ce sujet me touche tout particulièrement. Et vous allez comprendre pourquoi.
Souvenez-vous... Marie, la fille aînée des Seznec, était entrée au Carmel de Jersey pour pouvoir aller soigner les lépreux en Guyane et ainsi se rapprocher de son père.
Commençons par le commencement....
1/ L'ordre des carmélites
La plus célèbre d'entre elle est, bien entendu Sainte Thérèse de Lisieux.
Son parcours est un peu atypique par rapport au parcours d'une carmélite dite "normale". Puisque, d'une famille très pieuse, elle était allée jusqu'à Rome pour demander l'autorisation au Saint Père de rentrer au Carmel de Lisieux à 15 ans.
Après son voyage à Rome, elle obtient une dérogation. Thérèse avait alors quinze ans et trois mois. On peut noter qu'à l'époque, une jeune fille pouvait faire sa profession religieuse à dix-huit ans.
Thérèse avait un sacré tempérament. Qu'elle devait toujours dominer. Elle avait aussi une très belle écriture.
Thérèse Martin était née en 1873 à Alençon.
Je vous engage vivement à lire ce qui est écrit à son sujet sur Wikipedia. Car, tout cela, est très éclairant pour notre histoire Seznec.
On ne rentre pas "par piston" dans un couvent. Et l'ordre des Carmélites, comme celui des Bénédictines, demande une santé de fer. Car les journées sont longues. Et les pratiques difficiles.
Les couvents peuvent refuser les candidates jugées de santé trop fragile.
C'est justement le cas de l'une de nos anciennes paroissiennes. Eugénie. Qui avait dû naître entre 1900 et 1910 (même âge que Marie Seznec). Et que le Carmel a refusé car elle était jugée de santé trop fragile. La bonne blague c'est que notre Eugénie a vécu jusqu'à près de 100 ans. J'ai chanté sa messe de funérailles. Et c'était très émouvant.
Eugénie était à la messe chaque matin. Froid glacial ou chaleur torride.
Sa foi était en acier inoxydable. Je me souviens de l'un de nos prêtres me disant : "Quand je confesse Eugénie, je pleure..."
Si vous souhaitez avoir plus de renseignements sur l'ordre carmélitain, vous pouvez lire leur site.
Juste un rappel, les carmélites sont rentrées en France après la Grande Guerre :
"En 1880, les décrets de mars furent cause de grandes épreuves pour les religieux de France. Le Carmel jouit toutefois d’une paix relative jusqu’en 1901, où les lois Combe obligèrent les Carmes et bien des Carmélites à s’exiler. Ils purent rentrer en France après la première guerre mondiale. La France compta alors plus d’une centaine de monastères de Carmélites. Quant aux Carmes, ils rétablirent tout d’abord la province d’Avignon. En 1932, les couvents français furent groupés en deux semi-provinces, élevées à l’état de provinces en 1947, celle d’Avignon-Aquitaine et celle de Paris."
2/ La clôture
Peu de gens connaissent ce mot. Ou du moins pas dans le sens où il est utilisé chez les moniales.
Je vais reprendre le livre de Dom Jean Prou : "La clôture chez les moniales". Pour essayer d'éclairer un peu les lanternes.
"Commençons par citer quelques définitions.
Celle du Larousse : la clôture, c'est "l'enceinte d'un monastère où les religieux vivent cloîtrés". La définition est peu éclairante. Celle de Théo : "Partie interdite aux étrangers à la communauté", fait aussitôt apparaître l'aspect rebutant de la clôture. Celle d'un dictionnaire spécialisé : "Au sens matériel ou objectif, le mot s'entend par l'enceinte du monastère. ; au sens formel, il s'entend de l'ensemble des règles qui maintiennent la vie monastique l'intérieur de la clôture matérielle et assurent sa séparation d'avec le monde." Celle-ci aide à distinguer l'élément matériel de la clôture et ce qui lui donne forme et signification.
Le Dictionnaire de la spiritualité donne cette précision utile : "au sens canonique du terme, la clôture est constituée par l'ensemble des lois ecclésiastiques qui limitent ou restreignent l'entrée des étrangers dans cet espace réservé et la sortie des religieux hors de cet espace."
Pour fréquenter les Bénédictines de Kergonan, je connais bien ce terme.
Mais, surtout, surtout, il m'a été donné d'assister de loin, à une distance d'au moins deux champs et une barrière, avec sa famille, aux funérailles d'une moniale de Solesmes. Début novembre 2001.
Funérailles qui se déroulent "sous clôture". Cimetière qui est inaccessible aux laïcs car également "sous clôture".
3/ "La petite carmélite" chez les Seznec et dans le livre de Claude Sylvane :
(C'est donc Jeanne Seznec qui parle) : page 104
"J'avais dix-sept ans (ndlr on est en 1929) - c'était la dernière année que je devais passer à l'orphelinat - lorsque ma soeur Marie décida d'entrer au Carmel (ndlr Marie a donc 21 ans) Mon père lui avait refusé son consentement, mais Marie était majeure et passait outre. Elle lui écrivit une lettre pour lui expliquer la raison de sa décision.
(...)
Je pensais qu'elle aurait dû attendre que je sorte pour ne pas laisser maman toute seule.
Mais sa décision était inébranlable (page 105)
(...)
Elle quitta Saint-Brieuc (ndlr Elle était pensionnaire à l'orphelinat de la Sainte-Famille) pour passer un mois à Morlaix chez sa marraine, ma tante Petit-Colas, soeur de mon père,
et seulement vingt-quatre heures avec ma mère à Paris (ndlr ?????????????????????)
Puis elle vint me faire ses adieux à Lorient où elle demeura trois jours.
(...)
en page 108
Et puis Marie partit. Je ne devais plus la revoir., je sus plus tard par les religieuses du Carmel combien elle avait hésité à frapper les trois coups fatidiques qui font s'ouvrir la porte derrière laquelle on renonce au monde.
Elle est demeurée trois jours dans ce que l'on appelle "le tour", avec les religieuses qui ont, elles, le droit de communiquer avec l'extérieur (ndlr ce sont les "soeurs tourières "). Celles-ci l'exhortaient :
- Allons, ma petite Marie, décidez-vous.
(ndlr C'est plus le rôle d'un père spirituel ou d'une mère supérieure d'exhorter une novice que celui des soeurs tourières !!! A l'évidence, et à la lecture de son récit, Claude Sylvane ne vérifiait aucune de ses infos !!!!)
Elle s'approchait de la porte, s'apprêtait à frapper, puis se retournait en larmes :
- Non, non, pas encore ! Laissez-moi encore un peu de temps pour réfléchir.
Car Marie aimait la vie.Elle était idéaliste, mystique, mais le pas qu'elle allait faire la laissait hésitante.
Peut-être savait-elle qu'au-delà de cette porte, l'attendait la mort qui devait l'enlever un an plus tard."
Je ne commenterai pas.
Si juste pour dire que Marie a eu 21 ans le 1er novembre 1929. Et qu'elle est morte le 2 août 1930. Un peu court 9 mois pour se préparer à des voeux perpétuels. Comme semble l'indiquer l'article "La boîte jaune". Que vous retrouverez ci-dessous.
4/ La mauvaise nouvelle
Il paraît que lorsqu'on cherche, on trouve.
C'est pourtant avec émotion que mon correspondant parisien pour les archives m'a appelée hier, dans la soirée.
Il n'avait pas pu me joindre avant. Il était bouleversé. Il venait de recevoir l'acte de décès de Marie Seznec.
Quand elle est morte, elle est domiciliée chez sa mère, 58, rue de Monceau. Paris VIIIe.
L'hôpital Saint Joseph est situé au 185, rue Raymond Losserand. Mais il pouvait avoir une dépendance rue Pierre Larousse.
Marie était-elle atteinte, comme le fut Sainte Thérèse de Liseux, d'une phtisie galopante ? Sauf que la petite Thérèse a été soignée, jusqu'au bout, par ses soeurs, dans son couvent de Lisieux... Ce qui était "sous clôture" et dans les normes...
Le pire reste à lire : "elle aurait été enterrée au cimetière de Montparnasse".
Ou plutôt :
Au cimetière de Thiais, selon Me Denis Langlois, en page 378 :
"Tu n'oubliais pas non plus Marie ta fille aux longs cheveux. Tu prenais l'autobus jusqu'au cimetière de Thiais. C'était une petite tombe toute simple envahie par les herbes, avec, accrochée à la croix, une plaque qui peu à peu s'effaçait."
"C'est impossible, me répétait mon correspondant, des larmes dans la voix..."
Tout est possible dans l'affaire Seznec.
Mais ce qui est vraiment impossible c'est qu'une religieuse soit enterrée dans un cimetière laïc !
Liliane Langellier
P.S. Je continue mes recherches. Et je viens de recevoir ce qui suit du Carmel :
"Un frère a juste trouvé ceci :
En jetant un œil sur le monasticon, sous forme de généalogie, écrit par le
Carmel de Cherbourg en 1962, j'ai retrouvé trois carmels de France expatriés
dans l'île : Tours, Saint-Brieuc et Saint-Pair ; les deux premiers en 1901; le
troisième sans date d'exil. Le premier est revenu en 1921, le second en
1945 ; pas de date de retour pour le troisième. Pour aucun des trois le
monasticon ne donne le toponyme de Haut-Mont mais de, respectivement,
Wesburn, Ker Anna (qui ne doit pas être british, cela sonne plutôt breton)
et Goodlands."
P.S.2 J'allais oublier.... Je suis allée en retraite chez les Soeurs Annonciades de Thiais en février 2000 pour faire des recherches sur leur fondatrice : sainte Jeanne de France. Fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie, née à Nogent-le-Roi, le 23 avril 1464.
Sur laquelle nous préparions une exposition pour les 50 ans de sa canonisation.
J'y suis retournée, en visites, de nombreuses fois depuis.
Et leur cimetière est bien sous clôture.
CQFD.
Et comme deux preuves valent toujours mieux qu'une...
Voilà ce que me répondent les Annonciades de Thias :
Bonsoir, Liliane,
Si vous êtes déjà venue au monastère, vous aurez remarqué que notre
cimetière monastique ce trouve dans l'espace situé entre la clôture
stricte et le parc réservé à l'Accueil . Cet espace est accessible aux soeurs, non seulement pour aller se recueillir sur les tombes de leurs aînées, mais aussi pour accueillir familles et amis en été.
Cet espace enfin comporte en particulier une allée de tilleuls qui mène
directement à un grand portail, qui permet à des camions d'entrer dans le
parc : ce qui empêcherait de placer le cimetière en "vraie" clôture. Enfin,
les personnes laïques sont heureuses de pouvoir elles aussi venir prier
dans notre petit cimetière.
Sicut dixit.
Marie Seznec. Acte de décès. Guillaume est décédé (?). Et Marie habite 58, rue de Monceau. Avec sa mère ?
A écouter : Marie Seznec a été inhumée au cimetière de THIAIS le 5 août 1930. Division 31. Ligne 12. Tombe 50. Et la sépulture, elle a été reprise en 1962. Elle n'a pas été renouvelée.