Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?
Jean Jules Ernest Quemin est né à Houppeville (Seine-Maritime) le mardi 26 juillet 1864, de Jean Egésime Quemin, âgé de 49 ans et de Reine Tranquille Cavelier, âgée de 43 ans. Le couple avait convolé en justes noces à Criquetot sur Ouville le 11 août 1840. Un état civil banal, en somme. Pour commencer une vie qui ne le sera pas !
Le 25 mars 1892...
Il a 28 ans...
Il emménage à Lormaye.
Jean Quemin est en effet répertorié, pour la toute première fois à Chandres, route de Maintenon, dans le tableau de recensement de l'année 1896 :
- Jean Quemin, 32 ans, marchand de vaches, chef de ménage
- Marcel Taillebois, 43 ans, commis, domestique
- Céline Bordeloup, 36 ans, cuisinière, domestique
- Maurice Taillebois, 11 ans, fils précédent.
Il est répertorié une seconde fois à Chandres, au 1, rue de Maintenon, dans le tableau de recensement de l'année 1901 :
- Jean Quemin, 36 ans, marchand de vaches, patron, chef de ménage
- Jean-Louis Quemin, 4 ans, fils
- Louise Percebois, 26 ans, femme
- Madeleine Quemin, 8 ans, fille
- Marie Lauvray, 18 ans, domestique ménagère
- Joseph Joubier, 25 ans, commis, marchand de vaches. En 1926, on le retrouve avec sa seconde femme Rue de Coulombs.
Il est répertorié à Chandres, au 1, rue de Maintenon, dans les tableaux de recensement des années 1906 et 1911 :
En 1926 et en 1931, on le retrouve, avec sa seconde femme Emilienne, Rue de Coulombs.
En 1936, Emilienne est toute seule.
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La ferme de Chandres avec la maison de maître en construction
La ferme Quemin de Chandres. 1900 ??? 1910 ???
En effet, d’un premier mariage, célébré le 27 juin 1896 à Germainville, avec Louise Ernestine Percebois, fille de cultivateurs, née le 11 avril 1872, à Bouglainval (Eure-et-Loir) viendront au monde à Lormaye deux enfants : Jean-Louis, le 11 avril 1897, et Madeleine, le 27 juin 1900. Louise Ernestine décède le 29 mars 1914.
Puis, Jean Quemin épouse en secondes noces, le 24 novembre 1920, Emilienne Rosa Marie Boucher, née à Senantes (Eure-et-Loir) le 1er Juillet 1871 et veuve de guerre d’un M. Hubert décédé le 9 octobre 1914.
Des contrats de mariage sont chaque fois établis chez notaires. Le premier chez Me Relieff, le second chez Me Lemaire. Qui ont leurs études à Nogent-le-Roi.
Si, dès 1896, il est répertorié comme marchand de vaches à Chandres (hameau de Lormaye, en 1903, la liste de ses biens est impressionnante. Et c’est là que le bât blesse et que la question incontournable se pose : « D’où vient l’argent ? »
QUEMIN/PERCEBOIS facture
Il aurait débarqué dans ce coin de vallée d’Eure en tant qu’ouvrier agricole. Pour louer ses bras dans différentes fermes. Son personnage est devenu un mythe. L’origine de sa fortune aussi. Le mythe de « Jean La Sacoche ». Les maquignons du début du siècle portaient toujours sur eux, outre la blouse de marchands de bestiaux bleue ou noire, une grosse sacoche en bandoulière pour traiter……… en espèces ! Jean La Sacoche s’était bien vite embourgeoisé. « Il n’a jamais volé les pauvres » affirme Henriette Langlois dont les parents avaient une ferme à Chandres. « Mais pour ce qui est des riches, une vache par-ci, une vache par-là, il n’était pas à ça près ! »
C’est que, justement, côté honnêteté, il y a à dire et à redire. « Jean Quemin, le père, était une personne petite, râblée, au visage carré. Qui n’avait rien d’évangélique » raconte Pierre Landais, ancien directeur d’école. « Il ne jouissait pas d’une bonne réputation. Pour bien situer le personnage, voilà une anecdote : en tant que marchand de bestiaux, Quemin était en rapports constants avec les cultivateurs de la région. Un jour, il traite une affaire avec un fermier de Dancourt ou de Senantes. La discussion s’avère difficile. Le cultivateur ne voulant pas céder a dit « il faut que je fasse absolument remplacer ma paire de grandes portes. Et je compte sur le prix de vente de ma vache pour y parvenir…… »
« Qu’à cela ne tienne » a répondu Quemin, je te donne un prix inférieur et je te remplace les portes. »
Le fermier accepte. Quemin entre sa vachère dans la cour, on y charge la vache, il en règle le montant, et, en sortant, arrache les portes avec sa vachère. Le tour est joué. Quemin a eu la vache à bon compte et les portes ont été payées par l’assurance.
« Il avait tout à fait la tête du loueur de carriole dans le film « Le courrier de Lyon » déclare Robert Lahaye de Lormaye.
« Nous étions mômes, mais nous n’aimions pas croiser son regard. Un regard noir qui faisait baisser les yeux et filer immédiatement. »
« Quand on parlait de « L’affaire Quemin/Quemeneur », la mère allait fermer la porte, et l’on baissait le ton. Tout le monde savait qu’il avait le mauvail œil. Un jour, une fermière lui avait refusé la vente d’une vache. Il est allé dans l’étable, et il lui a coupé un pis » révèle Pierre Peltier ancien boucher.
Côté caractère, les témoignages affluent : « Les Quemin étaient très connus comme des violents » raconte Mme Femeau, institutrice en retraite, élevée à Lormaye. Son oncle, M. Doucet, responsable cantonal du syndicat agricole d’Eure-et-Loir – un homme respectable et respecté dans la région – était intimement persuadé de la culpabilité de « Jean La Sacoche », ce qui lui valut une belle correction. « Lorsque Quemin menait ses vaches » poursuit-elle, « il avait toujours un gourdin en main, et, un jour, en croisant mon oncle, il l’a sauvagement agressé et roué de coups.
Un constat médical a été fait. Une plainte déposée à la gendarmerie. Et il n’y a jamais eu de suite… Tous les procès-verbaux des plaintes disparaissaient mystérieusement. Ce qui a amené la population à penser que Quemin père et fils étaient des indicateurs de police………. Pas avec des cartes, bien sûr. Mais des indicateurs. » Pierre Peltier ajoute : « Quemin a bien du conduire vingt ans sans permis, et jamais de problèmes. »
Le doyen de Chaudon, Pierre Bigard, 91 ans est plus réservé. « En 1914, nous lui avons acheté un cheval. Je suis donc allé dans sa ferme. Il avait un pré où les gens emmenaient leurs bêtes mortes à manger à ses cochons. Pas de grosses bêtes, bien sûr, mais des veaux, des moutons. C’était la seule forme d’équarrissage qui existait dans le coin. » Des cochons carnivores bien exercés en quelque sorte !
Le 29 mai 1926, Jean Quemin « fait ses affaires » auprès de Maître Paul Lemaire, notaire à Nogent-le-Roi. Sous la forme d'une donation à titre de partage anticipé entre ses deux seuls enfants : son fils Jean-Louis, Paul Quemin, qui hérite de La Ferme de Chandres (Tableau des Mutations 1928, N° de plan 147),
et sa fille Madeleine, Reine, Azarie Quemin, qui hérite de la rue de Verdun, de ses dépendances et du lieu dit "Les Pâtures" (Tableau des Mutations 1928, N° de plan 514 et 733).
Jean Quemin meurt, à Lormaye, le 31 octobre 1933.
La légende locale veut que de faux "traîne-paquets" aient été postés sous ses fenêtres pour recueillir quelques éventuelles vérités de son dernier délire.
Recensement Lormaye 1946
"La ferme Quemin" deviendra ensuite "la ferme Haincourt" du nom de ses nouveaux locataires. Puis, à la retraite de Monsieur Haincourt, sera achetée par des Parisiens en 1980.
« Les maquignons, c’est des gens d’argent. » citation dans le texte d’un ex-boucher nogentais. Pour être des gens d’argent……… Quemin va, pour se justifier devant des journalistes, se vanter : « Et pourquoi l’aurais-je tué ? Par besoin d’argent ? Allons donc ? J’avais à ce moment-là, tant chez tel notaire, tant dans telle banque et encore ceci, et encore cela ! » Les sommes étaient grosses. Mme Quemin pria donc l’intervieweur de ne les point faire figurer dans l’article.
Sur ce document de généalogie foncière, on peut lire que Victor Morize achète en 1842
des terres qu'il commence à revendre à Jean Quemin dès 1882 (cf Entrée, Sortie)
Plan cadastral avec possessions Jean Quemin
Parcelle 733 de la petite maison du Pont de Noailles
Parcelle 514 : futur lieu de la Ferme rue de Verdun bordée par l'Auge