Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : Charles Huzo : pervers, mythomane et manipulateur ?

 

 

 

 

 

 

 

"On ne devient pas pervers, on le demeure"

Sigmund Freud

 

 

 

http://ted.t.e.pic.centerblog.net/qvmwgcom.jpg

 

 

 

 

Je sors juste d'un cas similaire. Qui m'a valu de démissionner de certaines de mes activités de bénévolat. Tant le mensonge était fort. Tant le mensonge tenait et tient encore le haut du pavé. Avec un public de "ravis" (oui, au sens de "Lou Ravi" devant la crèche en Provence) pour applaudir le spectacle et l'encourager.

 

Vous trouvez les mots de mon titre un peu osés ? Que nenni ! Je n'ai pas acquis, hier, cet almanach, pour rien. J'y ai découvert le thème du roman principal de Charles Huzo : Yolande. Paru en 1923. Thème que je ne vous épargnerai pas :

 

 

"Yolande est une histoire violente et chaude. Yolande Davelli, dix-sept ans, est violée par son père, puis prend goût à ses caresses incessantes. Sa mère, qu'elle a surpris avec un amant, la surprend à son tour dans les bras de son père et en meurt de honte et de douleur. Yolande cependant, après des mois de débauche avec Davelli, maîtrise ses sens, se ressaisit, ferme la porte de la chambre à son père et finit par s'éprendre fougueusement d'un jeune homme qu'elle a connu chez une amie, Gaston Sorbut. Un vague chantage d'un ami de Davelli (mort entre temps) qui a connu l'infâme passé de Yolande, met la jeune fille à dix doigts de la mort : fièvre cérébrale et tout ce qui s'ensuit. Elle survit, mais reste aveugle. Gaston Sorbut, un bien digne jeune homme ! l'épousera quand même et peut-être seront-ils heureux..."

 

 

Si là, on n'est pas dans le "pervers", surtout qu'on me le dise !

 

Narcissique ? Sans aucuns doutes. Tous les articles écrits pour la défense de Guillaume Seznec (merci ne pas oublier que c'est quand même Charles Huzo qui est à l'origine de la fable du coup de téléphone au restaurant Le Plat d'Etain, ce foutu 25 mai 1923) lui ont apporté une notoriété certaine.

Mais souvenez-vous de la prudence et de la mise en garde précédant sa série d'articles dans l'Ere Nouvelle du lundi 13 août 1928 :

"Un de nos correspondants nous adresse ce très intéressant article sur l’affaire Seznec.

Nous le publions sous toutes réserves et en laissant à l’auteur la pleine responsabilité de ses informations, trop heureux d’ailleurs si elles peuvent aider la justice à découvrir enfin la vérité."

 

 

Mythomane ? Sans aucuns doutes. Tellement mythomane d'ailleurs qu'on pourrait finir par se demander s'il a vraiment existé. Là, j'en ai une preuve écrite, dans le compte rendu écrit du procès Quemin :

 

 

QUEMIN PROCES FAIT GRAVE

 

 

Que vous pouvez lire en entier ici : Affaire Seznec : Lormaye : 1929 : Jugement du procès Quemin

 

Mais se pose immédiatement la question de l'adresse exacte de Charles Huzo. Car il est condamné à l'adresse de l'Ere Nouvelle : 53, rue de Rome.

 

Nous sommes début 1929. On le trouve 65 rue Vasco-de-Gama, Paris 15e, dans un autre annuaire. Et pour finir, 6, rue Larrey, dans un dernier. Faites votre choix. Avec les menteurs, c'est comme avec les anciens bonimenteurs au marché, il y a toujours un bel étalage...

 

Est-il réellement né à Mazagran, en Algérie. Je vais le savoir sous peu. Car j'attends une troisième source (oui, je suis journaliste et je recoupe et vérifie mes sources) pour vous dire que non.

 

A-t-il combattu réellement en 1914. Où il nous dit "s'être engagé". Mais s'il était né en 1888, la classe 1908 a du partir très vite au Front (je vérifierai). En tout cas, et je ne suis pas la seule à avoir cherché, aucune trace du soldat Huzo dans les différentes archives. Ah c'est vrai, une balle lui traverse la tête de part en part à Verdun. Quand je m'exclame "c'est vrai", je ferais mieux d'écrire tout de suite "Ah, c'est faux !"

 

Car le texte de l'almanach des Lettres françaises et étrangères (1924), Charles Chassé nous précise bien que c'est  Huzo qui l'a écrit. C'est consolant sur ces routes de perdition mensongère de rencontrer des phares comme Chassé.

 

A-t-on seulement une photo de lui ?

 

Pas que je sache. Denis Seznec, dans la première édition (1992) de son livre "Nous, les Seznec" et, dans cette première édition seulement, nous parle vaguement d'une photo, en page 64 : "C'était toi l'inconnu, qui souriait près d'elle, sur une photo triste."

 

J'ai retourné tout Internet (et je suis tenace) sans trouver de photo pour autant....

 

Avait-il femme et enfants, comme il le précise, dans une lettre à Guillaume (livre "Le Bagne" en page 203), je ne peux vous l'affirmer.

 

Il est surtout très habile à la politique de la pieuvre, jetant de l'encre (ça, il en a jeté) derrière son passage pour l'effacer.

 

Donc pervers et mythomane, c'est bon.

 

Reste manipulateur. Généralement ce troisième adjectif s'accroche très bien au train des deux autres.

 

Ici, on a le choix. Pensez quand même. Il est venu habiter un mois entier à Lormaye chez Charles Doucet pour faire commettre un faux témoignage à un malheureux ouvrier agricole Pierre Patrice. Et je ne parle pas de la transformation progressive mais efficace de celui de Georges Viet.

 

Les juges ont été indulgents pour ces deux derniers.

 

Beaucoup moins pour Huzo. Qui ne s'est pas défendu. Qui n'a pas moufté. Qui a joué les rois du pétrole à Lormaye et les petits garçons d'école primaire au tribunal.

 

Lire sur ce blog : Le procès des Quemin : décembre 1928

 

Quel beau cas il eût été pour Sigmund Freud.

 

Je ne vous rappelle pas que c'est Victor Hugo lui-même qui est venu lui demander d'écrire (je crois avoir lu que Zola, Rousseau et de Maistre étaient aussi de la partie !) Et par le plus grand des hasards, Victor Hugo ne lui aurait-il pas aussi suggéré de changer son véritable nom pour HU-ZO. Qui aurait été ainsi plus proche du nom de son cher parrain en littérature. Cela ne ressemble pas à un pseudo.

 

Mais on peut aussi payer pour changer de nom. La loi l'autorise. Lire sur : link

Je me souviens, au tout début de ma carrière, d'une personne qui avait changé son nom de "Connard" pour "Godard". Car travaillant dans le secteur commercial, il avait pu justifier du ridicule d'un tel nom pour ses affaires. Il devient alors évident que des recherches aux archives, à partir du second nom, ne peuvent guère aboutir si on ne connait pas le nom initial.

 

 

 

Vous pensez que je brûle ce que j'ai adoré avec trop grande facilité ?

Juste pour un mauvais roman ?

 

Non. Pas du tout. Mon jugement sur son roman n'est pas un jugement "moral". Cela prouve simplement que les juges ne devaient pas ignorer à quelle littérature de caniveau il s'adonnait. Et que cela a largement entaché sa carrière de "romancier" et de journaliste. Et par là même toute cause qu'il pouvait défendre.

 

Je connaissais tout simplement mal Charles Huzo. Et quand je cherchais à le connaître mieux, il m'échappait sans cesse. C'est grâce à la mise à disposition en ligne des anciens numéros de La Dépêche de Brest via Le Télégramme que j'ai pu enfin trouver les dernières pièces de son puzzle.

 

Maintenant, rendons-lui ce qui lui appartient. Après la mort du beau-frère, Emile Petitcolas, il s'est autoproclamé protecteur de Marie-Jeanne Seznec (là aussi, j'ai du mal à penser qu'il fut "un grand franc-maçon". Car il me semble que quelques aspects du personnage ne collent pas avec l'acceptation et la vie en loges). Il n'a pas ménagé sa peine pour écrire des lettres à Guillaume au bagne. Pour lui annoncer le meilleur et le pire. Marie-Jeanne a pu compter sur lui pendant sa maladie. Et même jusqu'après sa mort. Pour organiser son enterrement. C'est bien le seul côté positif que je puisse lui trouver.

 

 

http://denis-langlois.fr/IMG/jpg/Lettre_de_Charles_Huzo_13_juin_1931_extraits_001.jpg

Lettre de Charles Huzo du 13 juin 1931. Publiée dans les archives de Me Denis Langlois


 

Et puis... Avec l'arrivée d'un autre illuminé sur l'affaire, le juge Hervé, Charles Huzo disparait définitivement des écrans radars. Plus un mot sur lui après le second semestre 1931. Mort ? Expatrié ? Je doute que nous ne le sachions jamais s'il a changé de nom... Et que toutes recherches demeurent vaines et temps perdu.

 

 

 

Alors déçue ?

 

Et bien non, figurez-vous, pas du tout.

 

Car si la vie n'est pas un long fleuve tranquille (poncif, je sais), j'ai subi, au cours de la mienne, un harcèlement moral. Ma formation psy m'a tout de suite permis de me diriger vers Marie-France Hirigoyen, qui a, elle, démonté le schéma des pervers narcissiques.

 

Face à ces être troubles, il faut être attentif et bien se protéger. Car on ne les débusque pas tout de suite ces pervers-là. C'est généralement lors d'un mensonge tout bête qu'ils se font coincer. Et qu'ils ne deviennent alors plus crédibles. Mais plus crédibles du tout.

 

Liliane Langellier

 

 

http://www.sciencepresse.qc.ca/sites/www.sciencepresse.qc.ca/files/imagecache/4article/image/2013/02/manipulateur.jpg

 

 

P.S. Je ne crois pas au hasard. Il est évident qu'avec la mort réelle de Charles Huzo, la piste de Lormaye meurt, elle aussi, de sa belle mort.

Et aujourd'hui, c'est la date d'anniversaire de naissance de mon père. Souvenez-vous, cet homme brillant qui m'avait justement demandé de m'occuper de "l'affaire"....

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article