Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : Quand Huzo tacle Hervé

 

 

 

 

 

 

 

"Que la lumière soit"

 

 

 

 

 

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LETTRE DU  13 JUIN 1931

 

 

Paris, le 13 juin 1931

 

Mon cher Monsieur,

 

Je vous ai dit en quelques mots la dernière fois, les commentaires qu’a provoquée ma campagne au Quotidien ! Or un petit journal de Rennes « La Province » qu’on a du vous envoyer, est allé beaucoup plus loin, il a esquissé, à son profit, une manœuvre qui risque couler toute l’affaire.

 

S’emparant des arguments que j’avais écrits sur cette affaire, sous la signature de M. Hervé, il les a reproduits, en y ajoutant quelques petites digressions prises sur place. Il révéla l’affaire de Plourivo que vous devez connaître maintenant, ……. :

 

Des marins qui tiraient du sable du « Trieux » face au château de Plourivo entendirent une nuit de fin mai 1923, vers 2 heures, des coups de revolver, l’un d’eux crut voir un homme tomber, les autres, ne virent qu’un trio : deux hommes et une femme, qui, peu après, leur offrirent une cigarette, mais nul ne descendit à terre.

 

Vous passiez en cour d’Assises lorsque ces marins croyant que cette affaire pouvait avoir une corrélation, s’en ouvrirent aux autorités qui firent une enquête ; ce fut M. Hervé, alors juge de paix à Pontrieux, et Muller, brigadier de gendarmerie qui enregistrèrent, sur place ces témoignages.

 

Le garde de « Plourivo » dit qu’on ne tira pas de coups de revolver ce soir du 24 mai, où se célébraient avec 60 invités, les noces de l’un de ses enfants, dont la fête dura jusqu’au matin.

 

Ce jour, du 24, vous couchiez ainsi que Quemeneur, à Rennes, et ce dernier, ne saurait disparaître que dans la nuit du 25 au 26 à Houdan, soit à 450 kilomètres environ de Plourivo.

 

Pour en revenir à cette affaire, le rapport du Juge fut envoyé au Parquet qui ne crut pas le communiquer au Jury, on en était à deux jours de la fin des Assises. Avait-il cru ce fait insignifiant parce qu’il se passait au 24 ? Il avait commis néanmoins une faute dont on lui demandera compte.

 

Louis Quémeneur qui assistait à ce mariage déclara au nouveau garde qu’il avait tiré pour se distraire trois coups de revolver ce soir-là, dont les traces demeurent encore, en effet, sur les portes d’une remise.

 

M. Hervé, juge d’instruction à Guingamp, conserva ce secret huit ans. Il y a quelques mois, au sujet d’une affaire qu’il instruisait, et d’une arrestation arbitraire, ses chefs le croyant ayant subitement perdu la raison, le firent interner. Après cet internement il fut obligé de démissionner de ses fonctions.

 

En lisant mes articles, qui faisaient fureur en Bretagne, où je donnais, d’après mes études, la version que je crois puisque je m’appuie sur des témoignages formels, il crut, voir, en Plourivo, le nœud de l’affaire, et en Louis Q… L’assassin de Pierre. Moi, je supposais, en soulignant les témoignages de la première affaire pour Le « Quotidien » la famille d’être l’instigatrice du crime, en sous-entendu, naturellement !...Quemeneur assassiné à douze kilomètres de Houdan par d’autres, des associés !...

 

Donc « La Province », M. H. reprenant ma thèse, annonce carrément qu’il connaissait les assassins, maintenant, et chaque semaine, entretint le public sur cette affaire.

 

D’autre part, il avait essayé de faire faire une demande d’enquête à Plourivo par votre pauvre femme mais comme elle avait porté plainte contre les bonhommes de Lormaye, en faisant cette démarche elle risquait bien de tout couler. Car on lui aurait dit avec raison si vous supposez les assassins ailleurs qu’à Lormaye, retirez votre plainte ; et si elle eut accepté, c’était, désormais la fin, car l’affaire de Plourivo n’apportant pas la lumière, toute reprise eut été désormais impossible.

 

M. Hervé voyant que sa campagne à « La Province » n’aboutissait à rien, la presse parisienne faisant le silence, vint me trouver et me supplier de l’aider, ce que je ne pouvais pas lui refuser mais auparavant il me fit quelques confidences qui m’éclairèrent sur ses intentions, et m’arrêta à temps. !

 

Etant brûlé dans la magistrature par cette campagne, il désirait se présenter à la députation l’année prochaine, et cette affaire arrivait à merveille pour l’aider.

 

Alors, je me tins sur mes gardes, ce que voyant il vint plusieurs fois à Paris pour me demander de l’aider car il était à bout de souffle et puis à Rennes les confrères le sommaient de donner à la justice le nom des assassins, ce qu’il eut été vraisemblablement dans l’impossibilité d’accorder !...

 

Voyant, aussi, que votre avocat Me Joseph Luciani, avant de rien entreprendre auprès de la Chancellerie, lui demandait des pièces, il décida de lui faire enlever le dossier, et grâce à un mot de votre sœur, il vint lui retirer pour de fausses raisons.

 

Il m’a avoué qu’il fallait de l’argent pour cette affaire, voilà son désintéressement, et qu’en déposant une demande de révision pour les faits de Plourivo, il en trouverait aussitôt ! Vous en saisissez maintenant l’écueil !

 

Nous sommes, de ce fait paralysés, et d’autant plus vexés aussi, c’est qu’il est allé retrouver K… pour lui demander, au nom de vos parents, de s’occuper de l’affaire de Plourivo ; mais K…  en acceptant lui a dit qu’il allait faire contrôler les faits… par la Chancellerie sans doute. Ainsi, il n’est pas plus avancé !

 

Nous sommes maintenant réduits à l’impuissance, et c’est à vous, si vous jugez nous conserver votre confiance à l’avocat surtout, d’agir aussitôt.

 

1° En écrivant à Me Joseph Luciani, avocat à la Cour, 23, avenue Vaugirard nouveau, Paris 15e, en le priant de continuer à le défendre, et en lui renouvelant votre confiance.

 

2° A votre sœur et à votre mère pour leur dire de remettre le dossier que votre femme avait confié.

 

3° A Me K… Marcel en lui disant que désormais c’est Me Luciani Joseph qui devra assurer seul votre défense (cette lettre vous pourriez la joindre dans une enveloppe, à mon adresse, pour que je la lui envoie en recommandée le cas échéant)

 

J’ai dit à M. H. et à vos parents que si l’affaire était redonnée à K…. Ainsi je me retirais. Du reste, si votre femme s’est décidée à la lui reprendre, c’est qu’elle s’est aperçue qu’on n’obtiendrait jamais rien avec lui… qu’une publicité inutile, c'est-à-dire inutile pour vous !...

 

J’espère que vous êtes toujours en bonne santé, et vous prie de croire, à mes meilleurs sentiments.

 

Charles Huzo

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