Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : Caïn vs Abel en Plourivo

 

 

 

 

 

 

 

"Si ce  n'est toi, c'est donc  ton frère"

Jean  de La Fontaine

 

 

 

 

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Il y a un temps pour tout. C'est en lisant un intervenant sur un forum Seznec que j'ai réalisé ! "Elémentaire, mon cher Watson !" Si on adhère à la piste de Traou-Nez, l'affaire Seznec devient un banal fait divers de rivalité entre deux frangins. Pour une "gonzesse". Qui irait jusqu'au crime.

 

Et l'affaire d'Etat en passe à la trappe. C'est Caïn vs Abel en Plourivo.

 

Mais enfin, est-ce bien raisonnable ?  Pas du tout, je vous rassure. Et histoire d'en rajouter une couche, je vais faire l'immense effort pour un lundi matin de vous recopier le chapitre XIII de Me Jaffré concernant les délires de Maurice Privat :

 

 

DRAME AU MANOIR

 

Pour MM. Hervé et Privat, le Conseiller général du Finistère avait survécu à la randonnée en automobile vers Paris avec Seznec. Ils ont même établi son emploi du temps. Ayant pris à Dreux, le rapide de 21 heures 56, Pierre Quéméneur débarqua à Paris. Son premier souci selon leur thèse, fut de réclamer à la poste restante du boulevard Malesherbes le pli recommandé contenant le chèque de 60.000 francs expédié par son beau-frère Me Pouliquen. Il le demanda, à deux reprises, vainement au postier M. Bègue. Dans l'après-midi, il passa quelques instants avec la dame Petit. Vers 18 heures, il emprunta le tramway Hôtel-de-Ville-Auteuil dont le receveur François Le Her le reconnut et s'entretint avec lui amicalement. Le dimanche 27 mai, il retourna en Bretagne. En gare de Rennes, il salua, d'un geste cordial de la main, son ami Me Danguy des Déserts. Vers 18 heures il parvenait à Guingamp et se mettait à la recherche d'une voiture pour se faire conduire à Plourivo. M. Bolloch le mena à "Traou-Nez". Il pénétra directement dans la propriété. "Que s'est-il alors passé ?" s'est demandé M. Maurice Privat qui a répondu aussitôt. Laissons-lui donc la parole :

 

"Louis Quéméneur qui ressemble à son frère en plus paysan et dont l'oeil gauche clignote, comme celui de l'acheteur de la machine à écrire, avait une chambre au manoir, mais habitait le bourg (Plourivo) où il prenait ses repas. Cependant, il couchait fréquemment chez son frère. Ayant une maîtresse à Plourivo, il préférait la voir dans l'isolement de la propriété. Elle venait le rejoindre et l'attendait quand il ne rentrait pas immédiatement. Il a la dalle en pente et l'arrose volontiers. Pierre Quéméneur attendait donc son frère. Il repartirait à Landerneau, au matin, avec lui pour se rendre à la fête de famille de son oncle Gestin en Commana. Une femme ouvre la porte, monte chez Louis. Elle va se mettre dans les draps. Il s'étonne, ouvre l'huis qui communique avec la chambre de son cadet, voit la jeune fille et cherche à profiter de l'occasion.

"Le frère survient et surprend le couple. Dispute. Louis Quéméneur, outré, qui a sans doute un verre dans le nez, est furieux. Il sort son revolver. Pierre tente de le désarmer, n'y peut parvenir, prend la fuite. Il rejoindra les bois vallonnés par la rivière. Mais la haute marée coupe sa fuite. Il reçoit une balle dans la jambe, trébuche, repart vers le chemin de fer.

"Ses poursuivants ont vu la gabarre. Les marins ont-ils entendu ? La jeune femme les hèle. Ils font les morts. Louis Quéméneur et sa compagne reviennent vers la maison, cherchent le disparu, l'aperçoivent. Nouveau couup de revolver. Est-il atteint ? Ramène-t-on le malheureux dans sa chambre ?  Louis Quéméneur dégrisé, veut-il cacher le drame ? S'il y eut meurtre, nous serions surpris, en admettant, répétons-le, que Pierre Quéméneur ait été ramené à Traou-Nez, que le conseiller général soit mort de sa blessure... La jeune fille, qui assista à la bagarre, aurait-elle vu un assassinat ? Ses fugues lui interdisaient de parler. Son espoir, également, d'un mariage avec Louis Quéméneur. Mais n'aurait-elle pas signalé les coups de feu suspects par une lettre anonyme ?  Bien qu'elle risquât de se découvrir ? Si elle avait cru que son amoureux d'un instant s'était éteint d'une mort naturelle, non de ses blessures, son silence s'expliquerait mieux. En ce cas, Pierre Quéméneur n'aurait-il pas été empoisonné ? Il y a de l'arsenir dans la plupart des exploitations agricoles".

 

 

 

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 Caïn vs Abel

 

 

 

M. Privat désignait, nommait l'assassin. M. Hervé s'en était bien gardé, mais sa relation du crime, pour être moins explicite ne diffère pas, sensiblement, de celle du publiciste. Plus tard, M. Privat soutiendra d'ailleurs qu'il ne fut que le porte-parole de l'ancien juge d'instruction. Celui-ci a écrit de son côté :

 

"A quelques mètres d'eux, les marins entendirent marcher sur la grève. La nuit a été calme et ils entendaient marcher distinctement. Plusieurs silhouettes apparurent, celles d'au moins deux hommes et celle d'une femme. Puis, soudain, un coup de feu claqua, dans la nuit, sec, comme un coup de revolver. On vit un homme tomber, se relever, s'enfuir, poursuivi. De la grève, on héla les marins. Ce devait être la femme.

"- Venez prendre des cigarettes !

"Dix minutes s'étaient à peine écoulées qu'un deuxième coup de feu fut tiré en avant du manoir, près du pont de chemin de fer, semble-t-il. Puis le calme se rétablit."

 

Ces deux récits s'inspiraient du "testament" de Malpot. Seul des témoins, le moribond avait placé l'invitation du couple à prendre des cigarettes entre les deux coups de feu. Les autres marins, interrogés en 1924, situèrent au contraire les deux détonations avant l'offre de tabac et de boisson.

Mais aucun des membres de l'équipage - pas plus Malpot que ses compagnons - ne perçut le bruit d'une altercation, n'assista à une course précipitée de la victime poursuivie par son meurtrier. Pourtant leur gabarre avait jeté l'ancre à trente mètres de la petite grève caillouteuse et M. Hervé, comme M. Privat leur fait dire : "On vit un homme tomber, se relever, s'enfuir, poursuvi". Pour eux, la victime affolée, menacée de mort, courut pour échapper à l'assassin. Elle ne poussa ni un cri de frayeur, ni un appel à l'aide, alors qu'un bateau se balançait doucement à proximité du rivage.

 

Désormais Louis Quéméneur fut associé à la disparition de son frère. Il était, au Havre, le 13 juin, l'homme audacieux qui, en se grimant le visage pour emprunter les traits de Seznec, avait acheté la machine à écrire "Royal", il avait fabriqué les deux actes faux de Plourivo, puis, après avoir déposé la "Royal" à "Traon-ar-Velin" où il s'était arrangé pour la faire découvrir, Il avait réussi à substituer ou à faire substituer dans le dossier de la procédure, deux copies falsifiées aux actes authentiques, il était le fratricide...

Les promoteurs de la révision multiplièrent leurs articles dans la presse, organisèrent des réunions. La famille du disparu tenta de faire front. Me Pouliquen parut à l'une de ces manifestations houleuses et passionnées. Il voulut prendre la parole pour répliquer aux nouveaux accusateurs. Il fut bousculé par des énergumènes, jeté au bas de la tribune.

La famille assigna en dommages-intérêts, devant le tribunal civil ceux qu'elle estimait ses diffamateurs., MM. Hervé, Privat et Delahaye directeur du journal La Province...

MM; Privat et Delahaye choisirent pour défenseur Me Philippe Lamour. Pendant sept heures d'horloge, celui-ci prononça une plaidoirie remarquable où il exposa toutes les thèses de la révision.

Ce procès aurait pu être un très grand procès, au cours duquel se serait nettement posé le problème de la réhabilitation d'un innocent. Il ne le fut pas, malgré le talent que déployèrent Me Philippe Lamour et, au nom des plaignants, M. le Bâtonnier Alizon et Me Chapelet du barreau de Rennes. C'est que MM. Privat et Delahaye, qui avaient accepté le débat, se réfugièrent derrière M. Hervé. Or, celui-ci fit volontairement défaut. Dans une lettre, il s'employa à justifier sa conduite :

 

"Il ne s'agit pas, écrivait-il, de transporter devant le tribunal civil une controverse sur la culpabilité de Seznec. Le tribunal civil n'est pas qualifié pour la trancher.

"Il ne s'agit pas davantage pour ce tribunal, de juger les preuves rassemblées par M. Hervé : ce n'est pas ici que M. Hervé les apportera.

"Si Louis Quéméneur a espéré connaître ainsi les pièces et les témoignages recueillis, son espoir est déçu."


 

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Le juge Hervé et Guillaume Seznec

 

Sans doute le tribunal civil de Rennes n'avait-il pas qualité pour se prononcer sur la révision. Mais les débats, en offrant l'occasion d'un échange complet des argumentations, pouvaient faciliter la tâche à laquelle se consacrait l'ancien juge. Et l'attitude de M. Hervé fut diversement commentée.

Les trois promoteurs de la révision furent condamnés à des sommes importantes de dommages-intérêts. MM. Privat et Delahaye interjetèrent appel devant la Cour de Rennes, qui, cette fois, au cours des débats, confirma le principe de la condamnation. Mais M. Privat se plaignit, ouvertement, d'avoir été "laché" par M. Hervé. Il l'abandonna à son tour, et l'accusa d'avoir abusé de sa bonne foi. Il fit amende honorable dans des conclusions où il admit : "qu'il était malheureusement vrai qu'il s'était trouvé sur certains points très imprudemment informé ; que malheureusement, il avait fait trop grande confiance à certaines personnes qui lui avaient affirmé avoir les preuves de certains faits, mais qu'il était le premier à proclamer publiquement et spontanément sur ce point qu'il était obligé de ne plus faire confiance ni crédit à de telles affirmations".

En reniant ce qu'il avait écrit et celui qui l'avait inspiré, M. Privat annonça qu'il se remettait à l'étude de l'affaire Seznec. Dans un nouvel ouvrage, "il ferait abstraction de toutes les indications non vérifiables ou qui ne seraient que la conséquence d'affirmations passionnées". Mais cet ouvrage ne parut jamais.

Cet épisode mit un terme provisoire aux accusations proférées contre Louis Quéméneur. Pendant quelques années, la campagne s'arrêta. Puis, elle reprit, avec la guerre et redoubla de violence avec le retour de Seznec du bagne, en 1947. Louis Quéméneur, lui aussi, avait vieilli et s'était retiré, sans grandes ressources, dans un hospice de vieillards de Saint-Thégonnec (Finistère). Il fut désigné à nouveau comme l'assassin."

 

 

Tout bien lu, je trouve "ma" piste de Lormaye d'une bien grande limpidité. A côté de ce casse-tête. Même si je sais maintenant qu'elle ne fut qu'une piste de diversion. Ce que j'aurai l'honnêteté d'écrire dès que mes dernières recherches sur l'origine de la fortune de Madeleine Quemin seront terminées.

 

Tout bien lu, je me dis que les protagonistes de la piste de "Traou-Nez" ou de la piste de Lormaye se préoccupent plus de nous raconter "l'assassinat" de Pierre Quéméneur que de l'affaire Seznec elle-même. Et oui : Quid du trafic des voitures ? Quid des "grossiums" impliqués ? 

 

Tout bien lu, accuser Louis Quéméneur ou Jean Quemin pour innocenter Guillaume Seznec est un bien vilain procédé. On ne peut réhabiliter Guillaume en faisant porter le fardeau de la dispartion de Quéméneur à un autre. Surtout sans preuves valables. Ou avec des preuves pré-fabriquées dans certains cerveaux échauffés de certains groupes. Ces deux pistes ont d'ailleurs été suivies de procès gagnés par les accusés.

 

Tout bien lu, et, avec les informations sûres et prouvées que nous possédons désormais, je me demande s'il n'est pas grand temps de se pencher sur les vrais acteurs finistériens de cette histoire et sur leurs réseaux sociaux. Car nos deux acteurs principaux, Guillaume et Pierre, avant leur voyage intersidéral du 25 mai 1923, sont nés, ont grandi, vécu, aimé, traficoté, embobiné, etc... dans le Finistère, isn't it ?

 

Liliane Langellier

 

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S
<br /> vos deux derniers articles "enterrent" la piste de Plourivo - elle ne convainc plus personne, excepté Denis Seznec - il s'en sert de béquille droite, Bonny lui servant de béquille gauche - comme<br /> vous le dîtes, il est grand temps d'aborder l'affaire objectivement et de sortir du roman - l'hypothèse Plourivo a vécu, passons à autre chose...<br />
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L
<br /> <br /> "Traou-Nez" est encore la piste privilégiée de nombreuses personnes. C'est pour cette raison que je l'ai juste rabaissée au niveau de "la piste de Lormaye"...<br /> <br /> <br /> La curiosité d'esprit étant la qualité la plus mal partagée, j'ose espérer que ceux qui s'intéressent à l'affaire Seznec vont s'émanciper et.... aller voir ailleurs si Pierre Quéméneur y est<br /> <br /> <br /> <br /> <br />