Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : la piste de Lormaye : les Quemin non coupables ?

 

 

 

 

 

 

"Rien n'est plus odieux que d'être accusé d'une chose

 à laquelle on n'avait jamais songé."
Sacha Guitry (La jalousie, 1915)

 

 

 

JEAN QUEMIN LA PREMIERE FERME

Chandres, la première ferme de Jean Quemin

 

 

 

 

 

Il est une phrase de Denis Seznec qui hante toujours mon esprit : « Mon grand-père a été condamné alors qu’il n’y avait ni aveux, ni cadavre, ni arme du crime ».

 

Si nous appliquions cette phrase à Quemin Père et Fils... Dans leur cas aussi il n’y a ni aveux, ni cadavre, ni arme du crime.

 

Si l’on se reporte au jugement du 4 janvier 1929, on peut clairement lire :

 

QUEMIN PROCES

 

« Attendu qu’à la date du mois d’août 1928, le sieur Huzo, homme de lettres et rédacteur à L’Ere Nouvelle installé pour un certain temps dans la région de Nogent le Roi et à la recherche d’un sujet de roman, rédigea sur les bruits qui couraient dans la région et notamment sur les dires de certains habitants des communes avoisinantes de ce chef-lieu de Canton, un certain nombre d’articles qui furent insérés dans le journal L’Ere Nouvelle.

Que les dits articles sont parus les 13 et 17 août, 1er septembre, 8 – 9 et 10 octobre 1928, dans les numéros 3919 – 3922 – 3937 – 3974 et 3975 de la feuille « L’Ere Nouvelle ».

Attendu qu’il résulte des débats que ces numéros ont été vendus et répandus à Nogent-le-Roi et dans toute la région ;

Que ces articles prétendaient apporter des éléments nouveaux à une affaire jugée quelques années auparavant par la Cour d’Assise du Finistère et relative à l’assassinat du sieur Quemeneur.

Attendu que les dits articles mettaient nettement en cause, comme ayant pris une part plus ou moins active à l’assassinat le sieur Quemin, marchand de bestiaux à Lormaye et son fils.

Que les sieurs Quemin étaient désignés dans ces articles par l’initiale Q…, et que la désignation était des plus apparentes pour tous les habitants de la région.

Attendu que ces articles, et étant donné le but, poursuivi par le journaliste, d’arriver à une révision du procès jugé par la Cour d’Assises du Finistère, les allégations injurieuses et diffamatoires se retrouvent à chaque page, que les faits les plus précis et les plus graves sont imputés aux sieurs Q…, sur le dire de témoins qui ont été dans la suite convaincus d’avoir mal vu ce qu’ils croyaient avoir vu, ou d’avoir été mal renseignés.

Attendu que Huzo n’a pas craint d’affirmer que « c’était à Lormaye que le mystère résidait » (article du 17 août) de publier une réponse de Quemin père, sous le titre injurieux : une lettre de M. Q… ; et d’écrire (article du 8 octobre) qu’il avait reçu un témoignage accablant par ses précisions ; de reproduire (article du 10 octobre) le récit gravement diffamatoire pour Quemin père et fils de Patrice.

Qu’ainsi le tribunal ne peut que retenir l’inculpation de diffamation et d’injures portée contre les trois prévenus. »

 

 

Le Tribunal se prononce donc contre Charles Huzo et contre le journal L’Ere Nouvelle représentée par Edouard Hégu et François Bardinal

 

Lire sur ce blog : Affaire Seznec : Lormaye : 1929 : Jugement du procès Quemin

 

Mais toute cette histoire a commencé dans un autre journal, où sévissait également Charles Huzo. Georges Viet l’explique clairement à Natanson :

 

« Mais voilà qu’il y a deux ans en lisant Le Quotidien je tombe sur un article concernant l’affaire Seznecet se terminant à peu près par ces mots :

-         Mais peut-être Monsieur X…. dont le jardin borde la rivière d’Auge pourrait-il nous dire où est Quemeneur ? »

 

Lire sur ce blog : Pourquoi le témoignage si tardif de Viet ?

 

Entre ces deux dates : le jugement de début janvier 1929 et la lecture du journal par Georges Viet (là, côté date, sans ouragan "Irene", on est dans la coupure de courant la plus complète), se passent un certain nombre de faits, toujours relatés – avec plus ou moins d’exactitude – par la presse, et qui accusent formellement les Quemin. Les journalistes n'enquêtent pas sur place. Ils se contentent de reprendre simplement les faits : interviews de Georges Viet, fouilles de la ferme de Jean Quemin le 15 septembre 1928, etc...

 

Charles Huzo, véritable Deus ex machina, est à l’origine et à la fin de cette histoire.

 

Il va hélas faire le pas de trop, en s’appliquant à bien mouiller le fils Quemin  par un témoignage hallucinant du journalier Pierre Patrice. C'est ce pas-là qui le fera tomber. J'en profite pour préciser que le témoignage de Pierre Patrice n'est repris dans aucuns des ouvrages où la Piste de Lormaye est citée.

 

Quant à Charles Doucet,  c'est un homme autoritaire et influent, nous l’avons vu cf Affaire Seznec : la piste de Lormaye et les réseaux sociaux

Il n’a pas hésité à aider son cher voisin Georges Viet pour sa déposition.

 

Ah ! Les deux Charlots avaient bien monté leur film. Et ils firent salles combles.

 

Côté accusés : Quemin père, Jean, pour se défendre, évoque ses nombreuses richesses, ce qui ne fait qu'accentuer les jalousies villageoises. Quemin fils, Jean-Louis, tape et injurie. Chacun sa méthode.

 

 

JLQ l'assassin habite au 21

 

Sans pour autant donner raison à Jean-Louis Quemin, si ce dernier n’était pas coupable, faut-il alors s’étonner qu’il ait traité publiquement dans un café nogentais Charles Doucet de « grand fainéant et grand fumier » le samedi 13 octobre 1928, alors que Pierre Patrice, qui était employé dans sa propre ferme, vient de faire sa déposition en mairie de Lormaye, fort aidé par la plume de Huzo. Et que L’Ere Nouvelle n'hésite pas à publier ce témoignage dans son intégralité le mercredi 10 octobre.

 

Jean-Louis Quemin n’a pas raison de s’être emporté. Mais s’il a été accusé à tort, ne peut-on lui trouver quelques excuses.

J’ai été moi-même gravement accusée à tort. Et il n’y a pas si longtemps. Je peux vous dire que c’est  vivre là un véritable cauchemar qui n’est pas sans laisser de traces indélébiles. Car il y a toujours de bonnes âmes prêtes à profiter d'une querelle pour règler leurs vieux comptes et assouvir leurs jalousies malsaines.

 

Liliane Langellier

 

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