L'affaire Seznec : les absents ont-ils toujours tort ?

"Absence de preuve n'est pas preuve d'absence"

 Michael Crichton

C'est suite à un long appel téléphonique, hier soir, que je pense utile de préciser, ici, sur ce blog, quelques points incontournables de l'affaire Seznec. Pour des "non initiés" qui arrivent sur cette affaire, il est si facile de se perdre dans la jungle canadienne, soulés par des bootleggers sans scrupules. De se tromper de Cadillac au risque de finir au fond d'un puits choisi au hasard sur une carte. Ou encore de se fier aux réponses du guéridon farceur. Il est également si facile de louer la mauvaise loge pour applaudir la plus mauvaise pièce de théâtre de la rentrée.

Je vais donc me référer, pour rédiger cet article, à du solide, à du sûr, et à du bien construit. Bref, à un auteur qui a su tout seul manier sa truelle et son compas bien et fort à propos, je vais me référer au livre de Bernez Rouz :

Publié en mars 2005

Bernard Le Roux nous apporte certains éclaircissements ignorés des autres auteurs. Je vous laisserai les découvrir à la lecture de ce livre. Mais l'un d'entre eux est d'importance : le fait que Pierre Quemeneur ait pris la fuite parce qu'il était poursuivi par le fisc est pure légende !

On peut ainsi lire en pages 20 et 21 de son ouvrage :

"A l'issue de la guerre, l'administration fiscale réclame à Pierre Quéméneur l'impôt sur les bénéfices de guerre. Interrogée le 24 mai 1924 par le juge Campion, Jenny Quéméner donne les explications suivantes : "Les impôts ont été réclamés pour la première fois il y a environ deux ans. Mon frère a discuté avec l'administration. La somme réclamée n'était pas importante. Nous avons reçu, en mars dernier je crois, le montant de cette réclamation. Il est de 30000 à 35000 francs. Mon frère n'a pas été surpris de cette demande. Il ne pouvait pas en être gêné dans ses affaires car sa situation était très bonne."

Interrogée sur l'impôt sur les bénéfices de guerre, l'administration quimpéroise refuse dans un premier temps de lever le secret professionnel.

Le premier juin 1924, Jean Pouliquen qui a pris en main les affaires de son frère disparu, fournit les chiffres suivants pour le négoce de bois :

1918               bénéfice net :                            13 500 francs

                      bénéfice normal ..................   5 000 francs

                      bénéfice supplémentaire .........  8 500 francs

1920               bénéfice net                               24 500 francs

                      bénéfice normal ..................  15 000 francs

                      bénéfice supplémentaire ........    9980 francs

Normalement, la famille Quéméner aurait du payer 35 % de majoration, une taxation d'office due pour défaut de déclaration. La commssion a ramené ces chiffres à 9 % En définitive, la succession Quéméneur a dû payer pour contribution de guerre la somme de 11 351 francs.  Pour 1917 et 1919, Pierre Quéméneur ne fut pas taxé au titre des bénéfices exceptionnels. La contribution extraordinaire était applicable jusqu'au 30 juin 1920. On est loin du million de francs avancé par Marie-Jeanne Seznec, ce qui fait écrire au mordant Pouliquen : "Pour une fois encore les insanités de Madame Seznec auront tourné à sa confusion."

Landerneau. Ker Abri. La dernière maison de Pierre Quemeneur

Exit donc l'hypothèse d'une fuite d'un Pierre Quéméneur poursuivi par le fisc.

Dans son chapitre 6 : "Le mystère Quéméneur", Bernez Rouz analyse scrupuleusement la dizaine d'hypothèses de la disparition du conseiller général :

1. Seznec serait le meurtrier

2. Seznec serait l'assassin

3. Seznec serait complice d'un assassinat collectif

4. Quéméneur aurait été assassiné par le gang des Cadillac

5. François Le Her serait l'assassin de Pierre Quéméneur

6. La thèse du crime politique

7. La thèse du complot familial

        Quéméneur assassiné par son frère au manoir de Plourivo

        Pouliquen serait l'auteur des faux en écriture

        A qui profite le crime ?

8. Départ à l'étranger

        La piste américaine

        La piste galloise

        La fugue amoureuse

        Autres hypothèses

        Les mystères non éclaircis de l'affaire Quéméneur

Rassurez-vous, même si émaillée de certaines inexactitudes, l'hypothèse de "la piste de Lormaye" se trouve bien en page 168, dans la thèse du crime politique.

Cadillac or not Cadillac ? That is the question....

L'ouvrage de Bernez Rouz a deux qualités à mes yeux : primo son auteur est le premier journaliste à avoir eu accès, via le procureur de Quimper, au dossier Seznec. Secundo, Bernez ne prend parti pour aucune piste en particulier. Historien de formation, journaliste de métier, il se contente d'aligner les faits, de les analyser, mais sait garder les distances nécessaires pour ne pas s'impliquer lui-même dans l'une des hypothèses décrites.

Toutes ses sources sont indiquées clairement en bas des pages.

Cet ouvrage, certes dérangeant pour certains, est pourtant indispensable à lire pour tous ceux qui veulent émettre une hypothèse nouvelle, crédible ou non, sur la disparition de Pierre Quéméneur.

Car enfin ce pauvre Pierre, il a joué dans tant et tant de pièces de mauvais théâtre (et ce n'est apparemment pas encore fini !), il a été enterré dans tant et tant d'endroits de France et de Navarre, qu'il incarne à lui tout seul toute la saveur du proverbe : "Les absents ont toujours tort".

Liliane Langellier

Pierre Quéméneur

P.S. Lire sur ce blog : L'affaire Seznec : la piste de Lormaye : portrait de Pierre Quemeneur

P.S.2  Le livre de Bernez Rouz existe aussi en version poche "Voilà qui n'est pas cher et qui peut vous rapporter gros !"  Il vous suffit juste de cliquer sur : link

P.S. 3 Et puis histoire de ne pas le laisser tout seul : Bibliographie et filmographie

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