16 Avril 2013
Il fallait que cela fût dit....
Je l'avais demandé au journal "Le Parisien Libéré" en janvier 1993. Je ne pouvais pas me déplacer. Attendant d'un instant à l'autre la mort de mon père. Ils me l'ont envoyé avec cette gentille mention : "Ne peut mieux faire, état du microfilm".
Il était intéressant de le retranscrire mot à mot. Voilà qui est donc fait ci-dessous :
in Le Parisien Libéré du lundi 15 février 1954 :
GUILLAUME SEZNEC EST MORT
GUILLAUME SEZNEC EST MORT
Au domicile de sa fille
Rue du Chevaleret
Sa fin ne semble pas devoir
Interrompre l’action en révision
Entreprise par ses défenseurs
Guillaume Seznec est mort. Il aurait eu 76 ans au mois de mai. Sa famille, ses défenseurs, ses innombrables amis, connus et inconnus, sont plongés dans l’affliction. Celui dont nous disions, samedi, qu’il venait de se libérer d’une part de son secret, a succombé avant que la justice des hommes, sourde à ses appels, ait réalisé son vœu : lever l’opprobre dont il pensait que sa condamnation devait poursuivre les siens au-delà de sa propre vie.
(Suite page 7 col. 1.)
« Maman… on m’a fait trop mal » a dit en succombant
le père Guillaume Seznec
Suite de la première page
Seznec, le vieux Seznec n’est plus. Parce que les grandes infortunes font désespérantes l’inanité des regrets, on pourrait en demeurer là. Les coups que le destin lui a portés n’ont jamais prêté à confusion : des drames, du sang, le bagne, d’odieux conflits familiaux, des incendies, des accidents, de quoi peupler les plus noirs cauchemars. Et le dernier coup, le plus attendu, le moins illogique : sa fin.
L’homme dont le nom s’est inscrit dans la chronique presque sans interruption depuis presque trente années, rejoint dans l’implacable migration tous les êtres qui ont succombé le glaive en main : Jeanne, sa femme, épuisée de larmes et de révoltes ; avant Marie, la douce Marie, la douce Marie, la religieuse de Jersey, déserteuse du monde pour préparer à son père les voies de sa résurrection ; Marie, sa vieille maman de Pleumester, le juge Victor Hervé, tant d’autres encore.
« On m’a fait trop de mal ! »
Une toute petite maison de deux pièces au fond d’une cité toute bruyante de gosses, 9, rue du Chevaleret. Un étroit divan. C’est là qu’a succombé, samedi soir, à 20 heures, dans les bras de sa fille Jeanne, le « père Guillaume ». L’accident qui lui fit côtoyer la mort, en novembre dernier, venait d’achever sa sournoise destruction.
Pour Jeanne, pour Francette, la petite fille, pour les deux derniers bambins, les chemins de la douleur s’ouvrent de nouveau, parce que, brusquement, s’était effondrée sur l’oreiller la tête chenue, le visage couturé des profondes blessures de sa terre d’exil.
- Maman… On m’a fait trop de mal !
Telles furent les dernières paroles audibles du vieux Breton que plus aucune adjuration, plus aucune caresse ne devait ranimer.
- Maman…
C’est d’elle qu’il devait longuement me parler au cours de notre dernier et tout récent entretien. Il avait, au cours d’une après-midi d’extraordinaire lucidité, évoqué toutes les terribles péripéties de son drame, sa douce enfance, son mariage, les premiers et rudes efforts pour faire vivre la nichée. Et 1923. Et cette folle randonnée qui ne devait prendre fin qu’au bagne.
A la mienne, il avait abandonné longuement sa main. Il avait autre chose à dire. Cette autre chose, cette vérité, ce secret, dont nous disions récemment combien ceux qui croient le plus à son innocence attendaient de les voir monter jusqu’à ses lèvres !
….(illisible)
Ses défenseurs diront bientôt, ont dit dès hier avec une mesure dont ils se départiront un jour, que les bouleversantes déclarations qu’ils recueillent eux aussi de sa bouche, mettent fin au doute qui pouvait demeurer quant à la valeur de ses justifications. Ils rappelleront que, également, la mort de Seznec n’affecte en rien ses droits à une réhabilitation. Le serment qu’ont fait, à son chevet, tout à l’heure, sans essayer de retenir leurs larmes, Mes Raymond Hubert et Biaggi, fut plus chargé d’espoirs que ne le furent de déceptions les sept années écoulées depuis le débarquement du vieillard libéré, sur le port du Havre. Les deux médecins qui le soignaient la semaine dernière, le collaborateur de Me Biaggi, M. Claude Bal, le père Tournesson qui en 1929 recueillit Marie à Jersey et visita récemment l’ex-condamné, diront, eux, en quel incontestable état de lucidité Seznec accusa.
Le vrai drame
Mais ceci s’inscrit dans l’avenir. Les possibilités d’attente de celui qui a désormais fermé ses yeux sur son propre drame n’ont sans doute plus de commune mesure avec les nôtres. Mais la valeur humaine de la réparation qu’on lui promet encore n’est en rien entamée.
- Nous sommes à même, déclarait hier un de ses défenseurs, d’aboutir !
Le vrai drame d’aujourd’hui, dans le pauvre logement de la rue du Chevaleret, c’est que la mort – qui n’est pas à crédit – y accumule déjà les factures. C’est que le dernier souhait du défunt – reposer auprès de sa mère à Pleumester – risque bien de ne pas se réaliser. C’est qu’on y pourra pas même déposer sur sa bière quelques-unes de ces fleurs qu’il cultiva avec passion, même sur l’aride terre du bagne. C’est cela le vrai drame aujourd’hui.
Plus tard, seulement, sonnera l’heure ce ce en quoi les hommes ont le plus besoin de croire pour aimer : la justice.
J. M.
Louis Quéméneur
Le frère du disparu de Houdan
Est mourant
Tandis que l’on apprend la mort de Guillaume Seznec, Louis Quéméneur, le frère du conseiller général victime du crime pour lequel Seznec fut condamné au bagne , qui se trouve actuellement à l’asile de Saint-Thégonec, est mourant. Depuis quelques temps déjà, sa santé donnait de vives inquiétudes à son entourage. Actuellement, il ne subsiste aucun espoir de le sauver.
P.S. Jacques Marestet aurait-il joué à...
The ********* man
Car on me balance dans l'oreillette gauche que lui aussi aurait travaillé sous pseudo (à vérifier ???)
Reste à retrouver l'article du samedi 13 février 1954, au cas où....