Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : sosies et faux témoins

 

 

 

 

 

 

 

"L'imagination est la folle du logis"

Malebranche

 

 

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Atkinson Grimshaw, The Haunted House - La casa dei fantasmi

 

 

 

Je sais que certains, parmi les grosses têtes (?) de l'affaire Seznec, considèrent la piste de Lormaye comme une "pistouille". Sans aucune importance. Créée de toutes pièces par la fertile imagination d'une journaliste "sur le retour" qui cherche à se faire encore remarquer.  

 

Ils n'ont pas compris, dans leur immense satisfaction d'eux-mêmes, que cette petite piste reproduit à l'identique et à sa taille les travers de la grande affaire Seznec.

 

Tenez, prenez les sosies et les faux témoins, par exemple.

 

 

1.- Les sosies

 

Dès 1992, des témoins me soutiennent que Guillaume Seznec, Pierre Quemeneur et Jean Quemin ont été vus, le soir du crime au Café Malepart. Mais si, souvenez-vous, ce petit  café bombardé à la fin de la guerre, à l'entrée de Lormaye, au croisement des quatre routes, quand on file vers Coulombs et qu'on laisse sur sa gauche, côté Nogent-le-Roi, la rue du fameux résistant "Maurice Gledel" Il se situait face à l'actuelle Serrurerie de la Vallée.

 

J'avais, d'office, écarté cette possibilité. En 1992, mes premiers pas sur la piste de Lormaye me guidaient, sans bottes et sans connaissances porcines, vers les soues à cochons de Quemin Père et Fils.

 

Et pourtant, cela me fut amplement répété en 2003.

 

Alors, dans ce cas, nos deux amis, après avoir quitté Houdan et y avoir dîné, seraient venus prendre un pot ici. Il se faisait tard pourtant. Et je crois avoir vérifié que les cafés des Yvelines fermaient plus tôt que ceux d'Eure-et-Loir, ceci ayant pu expliquer cela.

 

 

 

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Je n'ai jamais envisagé que des sosies de Quemeneur et Seznec se baladaient dans la nature. Je ne peux accepter cette histoire de sosies, trouvant qu'avec les originaux, on a déjà bien des écheveaux à démêler !

 

Godoc m'en avait rabattu les  oreilles. Je l'ai entendu récemment dans la bouche d'un jeune breton, professeur d'histoire. On en parle sec dans l'édition 1992 de "Nous, les Seznec", avec un relent de Bonny - qui manigance tout du sol au plafond - ça nous le savons.

 

Si j'ai tout bien compris (j'accepte volontiers la contradiction) un sosie de Guillaume Seznec va au Havre le 13 juin pour acheter la machine à écrire. Il est vrai que la gare de Plouaret, chère à Monsieur Gestermann dans l'émission de France 3 d'avril 2010, ce n'est pas "la gare de Perpignan" de Dali, hein ? Et qu'il est bien étrange de voir Seznec se montrer aussi ostensiblement alors qu'il effectue un voyage qui aurait du rester discret pour acheter une machine à écrire (dont il ne sait pas se servir et alors qu'il en possède déjà une) afin de dactylographier une fausse promesse de vente. On peut faire plus simple, non ?

 

 

http://roland.arzul.pagesperso-orange.fr/etat/lignes/gares/22_plouaret.jpg

 

 

Quant au 20 juin et à la valise de Pierre Quemeneur retrouvée à la gare du Havre (oui, quand on ne vit pas dans les salles d'attente des avocats, on vit dans celles des gares, c'est aussi ça l'affaire Seznec !) le tout est assez confusionnel. Et l'homme à la casquette de marin, cette fois-là, ne correspond en rien au physique de Guillaume Seznec.

 

Remarquez celui du Havre non plus. Entre l'oeil qui clignote et les poils aux mains... Pas fortiches nos amis de la Sûreté. Il leur suffisait tout simplement d'examiner l'exemplaire original de Guillaume qu'ils avaient coffré, depuis le jeudi 28 juin (tout juste un mois après son retour à Morlaix avec la Cadillac), pour s'apercevoir qu'il avait eu des brûlures sur les mains lors de l'incendie de son magasin de cycles en 1908 à Plomodiern et que ses deux yeux étaient parfaitement normaux. Mais pourquoi faire simple... Des années plus tard, à relire tout cet embrouillamini, on se dit qu'ils se sont quand même bien moqués (et là je suis polie...)

 

Cela m'amène tout naturellement au problème des faux témoins...

 

 

2.- Les faux témoins


 

Dans la vie courante, quand tu mens une fois, tu n'es plus crédible. Si tu as la mauvaise chance d'être journaliste et de mentir en écrivant un article, alors là, tu n'es plus crédible du tout. Et en plus tu risques le procès direct.

 

Là encore, dans la piste de Lormaye, Charles Huzo a suscité de toutes pièces le témoignage de Pierre Patrice. Il a fait de ce pauvre garçon un faux témoin. Ce qui l'a rendu carrément fada. Et a abrégé ses jours d'autant.

 

Lire : Affaire Seznec : la piste de Lormaye : faux témoignage de Pierre Patrice

 

 

Mais enfin Charles n'a fait qu'utiliser un procédé "à la mode" dans l'affaire Seznec : les faux témoins.

 

Qu'elle est donc longue leur liste ! Et je m'en vais vous l'épargner. Juste vous citer quelques-uns de ces personnages sur lesquels j'ai de sérieux doutes.

 

D'abord pour faire un bon faux témoin, ce n'est pas si simple. Certaines conditions sont même requises. Avoir un casier judiciaire en est la principale (pensez donc à revoir le film "Les Ripoux") On peut envisager aussi des dettes non honorées, une faillite frauduleuse, etc...

 

Alors allons-y pour le premier qui m'inquiète sur la route de nos deux lascars : Emile Hodey.

 

Ha ! Ce cher Hodey, garagiste de son état, drouais par son habitation (l'actuelle rue d'Orfeuil était l'ancienne Paris /Brest, je précise) et que Pierre Quemeneur connaissait (?).

 

http://s0.wat.fr/image/a24-histoire-memoire-region_3uqjr_1nb3jt.jpg

Dreux, la route de Bretagne...

 

 

Examinons d'abord la version des officiels.

 

C'est Denis Langlois qui est le plus bavard sur notre Emile. Je ne vais pas vous recopier toute la page 35 du bon Maître. Mais je vais juste m'arrêter sur trois mots mis dans la bouche d'Emile : "L'allumage est fichu". Et puis la célébrissime tirade (Hossein, mon cher, là côté théâtre vous êtes battu !) :

 

"Démarrer. Accélérer. Débrancher."

 

J'ai déjà démonté mot à mot cette tirade dans L'affaire Seznec : "Guest Star" : la Cadillac

 

Quand je vous dis que l'affaire Seznec conduit à s'instruire sur tout. Minuit hier soir le trajet du tramway N°12. Et ce matin l'allumage automatique des Cadillac. Car tel était bien le cas. Donc, il a menti Emile. Et personne n'est allé vérifier ses dires.Personne à l'époque, alors que le personnage central de l'histoire c'est bien la Cadillac, personne, pas même notre mystique Juge Hervé, n'est allé se renseigner sur ces foutues bagnoles. Pourquoi faire simple...

 

Bien sûr, on retrouve des faits un peu suspects concernant le gars Hodey. A lire en page 157 de Denis Seznec (édition 2006) :

 

"Dans la salle des témoins, où je suis demeuré quelques jours, j'ai revu le commissaire Vidal, que j'avais connu à Dreux. Nous avons déjeuné ensemble et, un soir, il nous a demandé, à Bonny et à moi, d'aller faire un tour à la maison publique (maison close) de Lorient. Vidal a montré sa médaille, et le tenancier nous a amenés dans un salon particulier et nous a offert le champagne, en compagnie de quelques femmes de l'établissement."

 

Là où y'a de la gêne...

 

Mais notre Emile, il cause quand ça l'arrange. Car, en 1955, interrogé par le commissaire Camard, il dira :

 

"Je ne me rappelle plus les détails de mes déclarations, vu le temps écoulé, et il me serait impossible de les refaire actuellement."

 

Mémoire à géométrie variable ? Mais qu'est-ce qu'il est allé s'embrouiller dans cette affaire de maisons closes (qui a fait des émules sur mon territoire, je le précise ici. Allant jusqu'à prétendre que le trafic de Cadillac était en fait le nom d'un trafic de prostituées, quand je vous dis que l'affaire Seznec instruit sur tout).

 

Sans compter que Hodey, il est géographiquement tout près du bobinard drouais "Le 54" de la rue du Bois Sabot. Alors pourquoi aller s'emmêler les pinceaux avec des déclarations sur celui de Lorient ???

 

La vie sexuelle d'Emile Hodey lui appartient. Personnellement, je le préfère en théâtreux : "Démarrer. Accélérer. Débrancher."

 

Emile, un garagiste qui ne connait pas l'allumage automatique, tu te moques un peu là, non ?

 

"Caramels, bonbons et chocolats" comme nous chante Dalida en haut de cette page. Et un premier témoin discrédité. Un....

 

 

 

Je reste modestement sur mon territoire. Parce qu'on a vu hier ce que cela donne quand je retourne dans la Capitale. Où je suis née. Et où j'ai quand même longuement vécu. Jusqu'à en connaître certains aspects... cachés !

 

On glisse sur Houdan. La gelée sur les tomates à la Gare. Les serveuses du Plat d'Etain avec leurs chaises renversées sur la table (quand on connait un peu le métier de la restauration, ça ce n'est pas une preuve de l'heure, juste une preuve de fin de journée sans clients). Je ne vais pas me fâcher avec Houdan. Jolie ville au demeurant. Même si son maire est à l'époque un sacré menteur aux relents de puritain. Mitt Romney aurait pu le prendre dans son équipe !

 

Parce qu'il faut bien vous dire que, dès l'ouverture du procès de Guillaume Seznec devant la cour d'assises de Quimper, il a été question de gonzesses (comment voulez-vous qu'après certains Euréliens n'aient pas quelques fantasmes, hein ?) En effet, le très sérieux et peu aimable Président Dollin du Fresnel sort de sa poche, dès la deuxième audition, un procès-verbal d'interogatoire :

 

"Voilà vous avez dit : Je ne sais pas où il a passé la nuit. Il a peut-être rencontrer une gonzesse avec qui il a pu aller coucher".

 

Rires, brouhaha... M. le Président, en rappelant cette réponse de l'accusé, est certain de son effet. Elle a déjà été rapportée par la presse, ce qui a amené le maire de Houdan à élever une véhémente protestation. Le premier magistrat de la ville s'y indignait du fait que l'on puisse laisser supposer qu'il y avait des "femmes de mauvaise vie" dans sa localité."

 

Cf Denis Seznec en bas de page 238, édition 1992.

 

Houdan, le Las Vegas des Yvelines ? Passons...

 

 

Qui est le premier à rencontrer Guillaume Seznec seul avec lui-même et sa Cadillac sur la route (après l'heure du crime, hein ?), et bien c'est l'ami Dectot.

 

Témoignage d'importance quand même. Mais qui ne mérite que quelques lignes chez Denis Seznec en page 103 (édition 2006). Là je sens que je vais vous décevoir. Mais je ne vais pas faire toutes les mairies du coin pour connaître la généalogie familiale de ce Dectot-là à qui le petit-fils accorde si peu d'importance. Sans compter, que pour les mémoires qui flanchent, j'ai déjà donné.

 

Donc voilà ce qu'on nous dit du premier homme qui parle en tête à tête seul avec Seznec :

 

"Peu avant la Queue-lez-Yvelines, à proximité du village de Millemont, nouvelle panne.

C'est à cet endroit que Pierre Dectot, un maçon qui se déplace à bicyclette, remarquera la voiture. Il vient de quitter Millemont, commune où demeurent ses beaux-parents avec qui il a dîné, (NDLR On est "très famille" dans l'affaire Seznec, mon Georges Viet rentrait de chez sa nièce, ce Pierre-là revient des chez ses beaux-parents...) pour rentrer à Gambais où il habite. (NDLR A Lormaye ou à Gambais, on est très Vélib' aussi comme vous pouvez le remarquer. Decaux a du  beaucoup lire sur l'affaire) Il monte la côte à pied car il n'a pas beaucoup de souffle, ayant perdu un poumon à la guerre. A 22 h 30, sur cette route de Paris, il aperçoit la voiture, immobile, phares allumés (NDLR Ceux qui étaient défaillants juste avant ? à Houdan ?) l'avant dirigé vers la capitale. Dans son témoignage (cotes 69 et 112) il précisera qu'il est 23 heures quand il arrive à hauteur de la Cadillac. Il est affirmatif : Cet homme était seul, j'en suis certain. Je n'ai vu personne avec lui."

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/7f/Velib_2510.JPG/800px-Velib_2510.JPG

 

Le prudentissime Bernez Rouz, lui, zappe complètement Dectot et lui préfère une dame : Thérèse Malet (page 72).

 

Je vous fais donc grâce du pseudo dialogue Dectot/Seznec. Et de la description de Seznec par ce dernier.

 

Quant le bâtiment va, tout va....

 

 

 

Alors, la suite, me direz-vous. Et bien je ne saurais vous dire qui sont les vrais des faux témoins, et il y en a une tapée. De quoi remplir un stade. Si Pierre Quemeneur est l'homme le plus enterré de France et de Navarre, Guillaume Seznec, lui, est l'homme le plus vu. Alors faites votre choix !

 

Liliane Langellier

 

 

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N.B. - 28 juin : Guillaume Seznec est bouclé par la Sûreté Nationale (La Secrète) à Paris.

Soit un mois après son retour à Morlaix de la folle escapade avec Pierre Quemeneur.

- 7 juillet : il est officiellement inculpé par le juge Binet de Brest.

- 16 juillet : il est transféré à la prison de Morlaix.

- 12 mars 1924 (soit 8 mois plus tard) l'instruction est close.

- 24 octobre 1924 : le procès de Guillaume s'ouvre devant les assises de Quimper.

- 4 novembre 1924 : Guillaume Seznec est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

 

Je tiens ici à remercier tout particulièrment nos amis du blog "L'Affaire Seznec revisitée" qui ont su éclairer cette affaire par une chronologie claire et sans faille.

Et à déplorer la disparition de leur blog.


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L
<br /> Cher Thibault !<br /> <br /> <br /> La terre est-elle toujours aussi sèche chez vous ? (Radio Londres)<br /> <br /> <br /> Car le 7 octobre, cela fera 20 ans que je bosse sur la piste de Lormaye (petite fête à prévoir ?)<br />
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T
<br /> Mais oui impatient, je bois vos écrits !!<br />
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L
<br /> <br /> <br /> <br /> Ah l'impatiente jeunesse !<br /> <br /> <br /> Vous l'avez simplement pris en route mon article (lol). Il se termine sur "Alors, faites votre choix!" Et j'espère que sa lecture, à défaut de vous avoir fait avancer sur l'affaire Seznec,<br /> aura contribué au bon entretien de vos zygomatiques<br /> <br /> <br /> <br />
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T
<br /> Votre article est coupé ? On a l'impression qu'il manque la fin !<br />
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