8 Novembre 2013
« Mal nommer les choses c’est ajouter du malheur au monde. »
Albert Camus.
Sous la reproduction de la une de Presse Océan, on peut lire (sans aucune signature d'auteur) :
"Le 26 mai 2013 Presse-Océan consacrait trois pages à ce que des journalistes ont appelé "La piste canadienne". Cette nouvelle thèse est celle qu'avait émise en son temps, Frédéric Pottecher (*), le célèbre chroniqueur judiciaire. Quémeneur, disait-il, aurait fui au Canada en pleine prohibition. Cela paraît sérieux car un spécialiste de la prohibition est venu en début d'année, à Paris, rencontrer DS afin de mieux aiguiller les recherches de la police montée canadienne. Rappelons qu'en 1998 une canadienne de 75 ans environ (**) qui rendait visite en train à sa petite-fille à Grenoble, avait dit à sa compagne de voyage que son père lui aurait révélé, à l'âge de 50 ans, s'appeler en réalité Quémeneur ! Le témoin a rapporté ces propos que plusieurs années plus tard. Sa lettre égarée ayant mis longtemps à parvenir aux autorités. D'où ces recherches.... Les âges coïncidant la question reste posée : pourquoi un homme a révélé à sa fille, au Canada et alors qu'elle avait dépassé les 60 ans, qu'elle s'appelait en réalité Quémeneur ! Troublant !"
Et me voilà paniquée à la lecture de cette page 6 de la dernière circulaire de France-Justice...
Quelque chose m'aurait échappé ???
Une nouvelle piste ???
Et cinq mois qu'elle était proclamée dans la région nantaise ???
Alors j'ai eu vite fait de retourner tout Nantes pour savoir ce que cela signifiait... J'ai fini - pour la modique somme de 1 € - par avoir accès au dit article. Je vous préviens tout de suite : il ne valait guère plus !
Voici donc le scoop et ses dommages collatéraux :
1. La première page est consacrée à une interview de Denis Seznec et à un curieux encadré
Histoire. Il y a 90 ans, débutait l’affaire Seznec, du nom d’un maître de scierie
Depuis 1995, Denis Seznec, défend la mémoire de son grand- père, condamné au bagne pour un crime qu’il a toujours nié.
Presse Océan : Il y a 90 ans débutait l’affaire Seznec. Cela vous inspire quoi ?
Denis Seznec : « En fait, je ne m’en rendais pas compte jusqu’à ce qu’une radio m’appelle il y a un mois. Cette affaire restera un cas unique. Mon grand-père a été condamné au bagne pour l’assassinat de Pierre Quemeneur sans que l’on apporte la preuve de la mort de ce dernier ! Quand j’étais petit, ma mère nous disait toujours à mon frère et moi : ’’Si on frappe en pleine nuit, allez ouvrir. C’est peut-être Quemeneur’’. Et en cas d’incendie, nous avions consigne de sauver la valise où étaient gardés les souvenirs relatifs à l’affaire. Ça marque. »
P.O. : Où en êtes-vous depuis le rejet du recours en révision en 2006 ?
D.S. : « Cela a choqué de nombreux parlementaires, de gauche comme de droite. Et il y a aujourd’hui unanimité pour déposer un projet de loi visant à obliger les magistrats de la cour de révision à voter à main levée. »
P.O. : Vos convictions sont-elles ébranlées ?
D.S. : « Bien au contraire. Nous avons gagné dans l’opinion. En 2010, Robert Hossein a rejoué le procès et proposait aux spectateurs de voter à l’issue de la représentation sur la culpabilité ou l’innocence de mon grand-père 94 % des gens l’ont déclaré innocent. »
P.O. : Poursuivez-vous vos investigations ?
D.S. : « Il y a une piste très troublante qui n’a jamais été exploitée. Le chroniqueur judiciaire Frédéric Pottecher était persuadé que Quemeneur avait fui au Canada ou aux Etats-Unis. Selon lui, il aurait été mêlé à la prohibition. Il était en relations avec le principal vendeur d’alcool pur de la région de La Rochelle et, selon le fils de ce dernier, Quemeneur aurait cherché à en acheter. On sait que les trafiquants américains se sont fournis à plusieurs reprises en alcool pur en France. Pottecher disait qu’un jour on retrouverait la tombe de Quemeneur au Canada. Or, il y a vingt ans, nous avons appris qu’il existait une famille au Canada qui avait changé de nom et qui à l’origine s’appelait Quemeneur. On peut se poser la question sur les raisons de ce changement de nom… »
P.O. : Votre grand-père sera-t-il un jour réhabilité ?
D.S. : « Je ne serai peut-être plus de ce monde. Mais je sais que cela arrivera ».
Propos recueillis par Dominique Bloyet
Bio-express
Denis Seznec, 67 ans, typographe retraité, petit-filsde Guillaume Seznec. Il a repris le combat de sa mère pour sa réhabilitation et a fondé en 1995 l’association France justice. Auteur de « Nous les Seznec », « Nous, les Seznec, toute l’affaire » et « Seznec, le bagne » (éd. Robert Laffont).
Encadré
Qui est l’homme sans tête de Sion-les-mines ?
Énigme. Deux mois après la disparition de Quemeneur, le 27 juillet 1923, un corps sans tête est retrouvé à Sion- les-mines dans le nord de la Loire-atlantique. Pour le maire de l’époque, le Dr Daguin, le corps qui porte un pantalon confectionné par un tailleur rennais est celui de Quémeneur. Une thèse développée des années plus tard par un ancien enquêteur de la mSa nantais, michel Sorin, et qui sera reprise par annick caraminot dans le livre « L’homme sans tête » (éd. Le Temps, 2010). Selon lui, Quemeneur aurait été tué par Risque-à-Tout, un marchand de bestiaux trafiquant d’or et de voitures. mais pour albert Baker et Bertrand Vilain, auteurs de « L’affaire Seznec : nouvelles révélations » (éd. coëtquen, 2011), il ne peut s’agir du disparu, le cadavre, chaussant du 28, soit une pointure d’enfant, selon le constat dressé par un médecin de châteaubriant.
2. La seconde page est un supposé rappel des faits sous forme d'illustrations :
Je vous laisse trouver les erreurs...
OUF !!!!!!!
Me voilà rassurée.
La nouvelle piste - qui n'occupe qu'un seul paragraphe de ces deux pages - date en fait de l'année 1998 quand Denis Seznec est joint par une certaine Madame Annick Galard qui a rencontré une canadienne dans un train (voir page 576 dans "Nous, les Seznec", édition 2006)
Alors, je sais bien que pour vendre du papier, il faut des titres racoleurs (surtout pour les affichettes), m'enfin, 15 ans plus tard... Quand même...
Et puis, Michel Sorin relégué à une simple citation dans l'encadré, alors qu'il a fait un boulot considérable sur la piste de Sion-les-Mines, ça, c'est vraiment une honte !
Juste une précision à mes confrères de Presse Océan, Guillaume Seznec n'est pas mort le 13 janvier 1954.... Mais le samedi 13 février 1954 .... Et ça... J'y tiens !
Liliane Langellier
Ne mélangeons pas les deux pistes :
(*) La thèse de Frédéric Pottecher, c'est la fuite de Pierre Quemeneur aux Etats-Unis. Pas au Canada. Lire en page 184 de Bernez Rouz :
"Le chroniqueur judiciaire Frédéric Pottecher est fermement convaincu qu'on trouvera un jour la tombe de Quéméneur aux Etats-Unis. Il base sa certitude sur les confidences d'un marchand de vin de La Rochelle. Celui-ci aurait reçu un courrier de Quéméneur dans les années 1920 pour acheter de l'alcool afin de le revendre aux Etats-Unis alors en pleine prohibition. Cette lettre n'a jamais été vue par personne."
A cette thèse s'ajoute l'anecdote "Henriette Muller". Juste une anecdote... Mettant en scène le conseiller général Henri Février (cf Denis Seznec en page 591)
(**) en page 576 de "Nous, Les Seznec" édition 2006, c'est la piste canadienne :
"C'est Mme Annick Galard qui m'apprend, en 1998, qu'elle a rencontré dans un train une Canadienne de soixante-quinze ans environ qui se rendait à Grenoble voir sa petite fille étudiante. Au cours de leurs échanges Mme Galard a appris que le père de cette dame était originaire de Bretagne et que, lui a-t-elle dit, Mon père s'appelait, je crois, Quemeneur. Une incertitude troublante. Si, en 1923, Quemeneur avait pris la fuite au Canada, comme beaucoup de gens le pensent, il aurait pu effectivement être le père de cette dame car les âges correspondent. Et cela explique pourquoi son père lui aurait caché sa véritable identité. En relation avec des Canadiens, des recherches sont entreprises en direction de cette Canadienne qui habiterait Gagnon, dans le nord du Québec."
Pas de quoi vraiment s'affoler, il y a beaucoup de Quemeneur au Québec. Mais notre ami Pierre s'appelait Quéméner !