Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : la piste de Lormaye : le premier article de Charles Huzo

 

 

 

 

 

 

 

"La nuit venue, on y verra plus clair"

Roland Topor

 

 

 

 

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Il est fortement conseillé de commencer par lire sur ce blog : Les journalistes en 1928 et la piste de Lormaye

 

 

 

L’Ere Nouvelle du lundi 13 août 1928

 

LE MYSTERE SEZNEC

 

UNE NOUVELLE THESE

 

                                                Par Charles Huzo

 

 

Un de nos correspondants nous adresse ce très intéressant article sur l’affaire Seznec.

Nous le publions sous toutes réserves et en laissant à l’auteur la pleine responsabilité de ses informations, trop heureux d’ailleurs si elles peuvent aider la justice à découvrir enfin la vérité.

 

A quelques pas de Nogent-le-Roy, en remontant le cours de l’Eure, Lormaye qui surgit soudainement au milieu des jeunes frondaisons de tilleuls, en sa tour haute, démantelée, semble une cité dévastée par la guerre : mais cette impression disparaît, au fur et à mesure que l’on avance, et que l’on découvre, dans un alignement impeccable, ses rustiques habitations.

 

La curiosité est retenue par cette tour, vestige des temps anciens, qui s’élance dans l’air, et que l’on suppose remplie de mystères. Bâtie vers 1100, sur les domaines du seigneur de Lormaye, l’église de la commune tombait en ruine, vers la fin de ce siècle, quand la municipalité, devant l’égoïsme de ses fidèles, décida de conserver son clocher et d’en sacrifier le reste ! Comme on manquait de bâtiment communal, le clocher fut aménagé en mairie. C’est ainsi qu’on peut voir, maintenant, le maire accueillir les naissances ou, paré de son écharpe tricolore, lire devant les fiancés, graves et recueillis, la formule qui unit les cœurs à vie, là où les dogmes religieux, avec leur faste habituel, consacrèrent les mêmes actes, durant des siècles et des siècles. Ainsi va la vie !

 

 

 

LORMAYE LA TOUR2

 

 

C’est à Lormaye que l’affaire Seznec s’est réveillée soudainement, et c’est là certainement, si la justice veut faire l’effort nécessaire qu’on retrouvera le cadavre de l’infortuné Quemeneur.

 

Seznec est sur toutes les bouches du pays, on songe à son calvaire, et celui, hélas ! de sa veuve et de ses quatre enfants, pauvres orphelins voués au mépris et à l’indignation d’un public induit en erreur !

 

Son innocence n’est plus contestée ; car on est à peu près sûr du coupable.

 

D’abord, on a trouvé étrange qu’un de nos confrères, après avoir demandé compte à un certain M. Q…., qu’il écrivait du reste en toutes lettres, du cadavre de Quemeneur n’ait pas cru préciser, car alors les bouches se fussent aussitôt ouvertes, les langues déliées, pour dire ce que chacun avait sur la conscience, et que la crainte seule de violence de la part d’un homme brutal, décidé à tout, dans son désespoir, avait retenues !

 

J’ai élu domicile près de M. V….., le principal témoin de cette affaire, et depuis sa plainte à la gendarmerie qu’il m’a redite mot à mot, il ne se passe pas un jour, qu’un argument nouveau vienne l’encourager dans son acte héroïque.

 

- J’ai vu, me dit-il, en passant sur la route de Coulombs à Lormaye, vers onze heures du soir, dans la propriété qui se trouve près du passage à niveau, un corps qu’on soulevait avec peine, au-dessus du grillage de clôture, une tête apparaissant, deux bras puis l’abdomen, et le tout retomber lourdement dans la rivière d’Auge.

 

 

COULOMBS ALLEE

 

 

Je ne pus dormir, cette nuit-là !

 

Retournant le lendemain sur les lieux, j’aperçus, à ma grande stupéfaction un mannequin.

 

Si ma bicyclette avait pu s’approcher de ces lieux sans bruit, ma lumière y avait dévoilé ma présence subite. Alors, le lendemain, on s’empressait de remplacer le corps par un mannequin. Le tour était joué.

 

Je n’étais cependant, pas dupe de cette supercherie. Il y a une grande différence entre un corps d’un homme puissant, déjà âgé, avec un veston et une culotte bourrée de foin, épouvantail pour jardins, qu’un enfant de dix ans peut déplacer avec aisance !

 

Et puis, quelle nécessité d’aller à cette heure du soir, jeter un mannequin dans une rivière ?

 

On sait que la justice a perdu les traces de Quemeneur à Houdan, et que son automobile a été retrouvée à Gambais ! Eh bien ! Lormaye se trouve approximativement entre ces deux communes.

 

D’autre part, le signalement donné les jours des assises, par un témoin, du cycliste aperçu, feux éteints, roulant à toute allure, dans ces environs, répond en tous points à celui du coupable supposé.

 

Du reste, sentant cette accablante accusation s’appesantir sur ses épaules, M. Q….. s’agite, essayant désespérément, sur foires et places publiques, de prouver son innocence : mais qui veut trop prouver ne prouve souvent rien. Il menace qui ose s’en prendre à son honorabilité, déjà suspecte, entaché par un passé bien chargé : mais dès qu’il a tourné le dos, les bouches s’ouvrent et ceux qui, par scrupules de conscience, pouvaient encore douter de sa culpabilité, sont désormais édifiés sur son cmpte.

 

Et depuis des mois et des mois un homme, innocent peut-être, souffre là-bas, sous le mortel soleil des tropiques, le terrible calvaire des travaux forcés à perpétuité ; de pauvres petits êtres, doublement innocents, une épouse qui n’a jamais désespéré de faire éclater un jour la lumière, attendent que la justice leur permette de recouvrer la vie, de recouvrer le droit que chacun ici-bas partage, celui de marche tête haute et libre !

 

- Attendront-ils longtemps maintenant ?

 

 

Pont de l'Auge vu par Viet

Ferme Quemin et Pont de l'Auge vus par Viet à son retour de Coulombs

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