Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : Guillaume et le café "Au Tambour"

 

 

 

 

 

"Ceux qui n'ont pas d'amour habitent les cafés."

Aragon

 

 

 

 

 

 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9032987s/f1.highres

Les stocks américains au Champ de Mars

 

 

Comme tous ceux qui osent écrire sur Guillaume actuellement risquent la guillotine. Si ce n'est de voir tomber leur tête, de voir pour le moins flinguer leur blog. Je prends quelques précautions....

 

Et je commence donc par citer Guillaume dans "Nous, les Seznec" en page 299 (extrait d'une lettre du 16 août 1925 à Marie-Jeanne) : "... Je suis absolument sûr que Cherdy existe ou du moins existait a Paris et je puis le prouver, ce que la police n'a jamais pu ou du moins n'a jamais voulu découvrir. Ce dernier a même tenu garage automobile dans cette ville et pour connaître son adresse il suffirait de s'adresser dans un café sous l'enseigne Au Tambour boulevard ou avenue Bourdenet à Paris. Cela serait paraît-il plutôt un Mexicain qu'un Américain mais cela n'a pas d'importance, il pourrait peut-être faire jaillir quelques éclaircissements."

 

Ben, Guillaume, c'est pas sérieux. Il était temps quand même. Deux ans après ton arrestation ! Tout aurait pu être différent si tu l'avais dit plus tôt.

 

Voilà donc que Marie-Jeanne dépêche illico son chauffeur Samson à Paris. Et qu'il revient bredouille...


 

Mais, dans une lettre du 6 septembre 1925, Guillaume n'a plus la mémoire qui flanche : "Samson fait erreur ce n'est pas rue Bourdenais, c'est boulevard Bourdenais a cent ou deux cents mètres de la station Ecole Militaire en face du Champ de Mars, un café sous l'enseigne Au Tambour."

 

Samson repart pour la capitale et s'aperçoit qu'il existait bien un café au 113, avenue de la Bourdonnais. Face au Champ de Mars. Où se trouvait le parc des stocks américains jusqu'à sa fermeture le 23 février 1922.

 

Là je réfléchis tout haut deux minutes avec vous. On recherche le foutu Gherdi, d'accord. Mais quand il donne ces renseignements, Guillaume n'est pas encore parti au bagne. Et personne ne va songer à lui demander comment il connaissait ce rade ? Parce que c'était par là qu'il fallait commencer...

 

Mais Marie-Jeanne est trop occupée à adresser une nouvelle requête en révision le 6 avril 1926. Avec un bien mince dossier sur Gherdi. Qui tient une boutique de pièces détachées rue Brochant. Notons ici, que la presse, une fois de plus, est prévenue avant la justice. Oui, oui, c'est le petit fils qui nous l'écrit en page 300 : "Dès le lendemain, des journalistes du Matin, du Petit Parisien, se lancent à la recherche d'un garagiste ou d'un négociant en pièces détachées dont le nom correspond à peu près à celui de Gherdy."

 

Avec mon délicieux caractère, j'aurais commencé par demander à mon homme ce qu'il foutait dans ce café-là. Et s'il y était allé souvent. Et avec des preuves à l'appui encore.

 

 

Il est donc grand temps que je vous parle d'un personnage que je vous ai épargné jusqu'à présent : la tenancière du café "Au Tambour" : Berthe Rallu.

 

Une sacrée gueuse, la Berthe. On va apprendre successivement qu'elle a été la maîtresse d'un certain Jean-Marie Layac. Qui va l'installer à Chelles quand elle quitte son café parisien tout début juin 1923. Le petit fils reprend Claude Bal en page 414 : "Elle était la maîtresse de Jean-Marie Layac, précise Gherdi. C'est d'ailleurs lui qui l'a installée à Chelles. Mais Layac, c'est quelqu'un, il a gagné des millions ! Il n'aurait pas fallu y toucher, à celui-là !

- Layac, c'est bien le ferrailleur qui habitait 101, rue de la Convention et qui est mort il y a quelques années ?"

 

Si vous vous attendez à une enquête quelconque sur ce Layac, zappez de chaîne maintenant.

 


 

http://denis-langlois.fr/IMG/jpg/Autorisation_Seznec_a_Claude_Bal_1953_001.jpg Autorisation de Guillaume Seznec à Claude Bal pour demander révision.

Archives Me Denis Langlois

 

 

 

Là, contrainte et forcée, je vais devoir aller chez Claude Bal en page 218 et suivantes :

 

"Berthe était la maîtresse de plusieurs clients, celle de Jean-Marie L. et de "l'Américain" Charley entre autres. (ndlr elle était soit tenancière soit pourvue d'un tempérament de feu !)


Avant la guerre de 1914, elle avait épousé un certain Georges Rallu, avec lequel elle vécut durant quelques années. Cependant, le couple ne trouva jamais le bonheur et des témoins m'en donnèrent les raisons : Georges Rallu découchait fréquemment, Berthe le trompait non moins fréquemment, tous deux aimaient la vie ou plus exactement l'alcool.


Un jour, le grand Georges, comme on l'appelait dans le quartier, fit un héritage de deux cent mille francs. C'était vers 1920 ou 1921. Berthe s'en réjouit fort. Elle pensa aussitôt à la tenture extérieure de son café qui était usée, aux murs qui avaient besoin d'un coup de pinceau, aux chaises de la terrasse qu'il fallait remplacer. Ses espoirs furent déçus : le grand Georges utilisa les deux cent mille francs à combler ses désirs nocturnes. Il les dépensa sur le Sébasto avec des filles et, moins de deux mois plus tard, il n'avait plus un sou.


Berthe apprécia fort mal ces besoins coûteux et divorça.


Georges Rallu devint porteur à la gare du Nord ; Berthe conserva le Tambour et put consacrer désormais des nuits entières à ses amants.


Elle n'était ni belle, ni fraîche, ni charmante, mais elle inspirait le vice. Elle savait attirer l'homme avec une vulgarité bestiale. Continuellement entre deux apérétifs, elle autorisait ses clients à bien des familiarités et c'était toujours elle qui, pour finir, ne pouvait leur résister. Alors on la chahutait et les plaisanteries devenaient grossières.

 


 

http://www.nationetrepublique.fr/IMG/jpg/ceci-nest-pas-une-pipe.jpg

 

 

 

On la voulait ou on ne la voulait pas. Dans le premier cas, on était toujours satisfait. Dans le second, on se retournait vers l'une des "demoiselles du Tambour", soit une cliente, soit une de ces habituées qui travaillaient à l'extérieur, sur les trottoirs de l'Ecole militaire, soit une fille de salle.

 

Et tous ces noceurs, ces brasseurs d'affaires, ces nouveaux riches, ces mécanos qui gagnaient leur premier million en trois mois, ces joueurs d'écarté qui risquaient cinq mille francs en cinq points, trouvaient la vie agréable."

 

 

Entre nous soit dit, Guillaume, c'était pas un lieu pour toi, hein ?

 

Et voilà que notre Berthe vend rapidos son café parisien au propriétaire de l'Hôtel de l'Exposition, M. Moreau le 1er juin 1923.

 

Et voilà que notre Berthe s'installe à Chelles. Dans une guinguette sur les bords de la Marne "Le canon de la Marne". Et sous son nom de jeune fille Henriette-Marie Masson. Elle vit avec un homme qui n'est pas Layac (même si celui-ci vient lui rendre visite...) Car revoilà Alphonse Kerné. Vous vous souvenez, j'en ai parlé là :

Alphonse Kerné, l'âme damnée de l'Affaire Seznec

 

Mais il y a aussi "Nenoeil"... Et un certain Bibi... (là, on se pose, et on se demande si, enceinte, la maman de Claude Bal n'a pas abusé de la lecture de "La Maison Tellier" de Maupassant).

 

Bibi et Nenoeil (breton, celui-là) ne sont pas des gentlemen. Non seulement ils picolent avec elle mais en plus ils la tabassent, Berthe ! Tout cela finit très mal, comme de bien entendu. Et Berthe trépasse le 18 juillet 1930.

 

 

 

Pourquoi vous ai-je raconté tout cela ?


Mais tout simplement parce que la thèse de Claude Bal est le meurtre de Pierre Quemeneur le 29 ou le 30 mai au lieu même du café "Au Tambour" de Berthe Rallu.


Vous pigez la cohérence ? C'est Guillaume qui fréquente ce rade mais c'est Pierrot qui s'y fait descendre...

 

A bon entendeur....

 

Liliane Langellier

 


 

P.S. Attention. Je tiens à préciser ici que cet article a été écrit via le livre de Claude Bal. Qui a lui même pompé toutes ses infos sur le juge Hervé. Après une enquête des plus légères.

Et que le tout a été repris "tel quel" par Denis Seznec.

 


AU-TAMBOUR.jpg

Extrait du livre de Claude Bal (Editions de Paris - 1955)



Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
<br /> Effectivement, Berthe, ... faut vouloir !<br />
Répondre