Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : Et la malle se fit la malle de Lencloître à Rudeval...

"Arthur, où t'as mis le corps
Tous les jours on lui d'mandait..."

Boris Vian

 

 

Petit bémol quand Guillaume Seznec raconte son histoire à son pote Kléber. Devant Madame Bataille.

Dès qu'il revient du bagne et intègre Kergleuchard (Plourin Ploudalmezeau), Seznec, ça le fait pas avec son délicieux gendre François Le Her.

Madame Bosser, l'institutrice de Riec-sur-Belon, qui s'est tant battue pour son innocence, lui propose de venir la rejoindre. 

Et c'est  la famille Berthou qui va héberger Seznec d'octobre 1947 à octobre 1948, jour où Jeanne tue Le Her (dimanche 3 octobre 1948).

C'est Eliane Berthou qui raccompagne fissa Guillaume au bercail et assiste à l'enterrement de Le Her.

Jeanne Le Her précise bien dans le livre de Claude Sylvane, en page 206 : 

"Je revins à la maison dix-sept jours après en être partie.La, je retrouvai mes petits et mon père qui était arivé dès le lendemain du drame.  (...) Il était donc revenu à Kergleuchard. Nous ne nous sommes plus jamais quitté depuis, sauf pendant les Assises (ndlr juillet 1949).

Il est donc clair que les 18 et 19 décembre 1948, GuillaumeSeznec habite avec sa fille et ses petits-enfants à Plourin.

 

 

Mais alors, me direz-vous, pourquoi Bernard Le Her fait-il creuser à Rudeval.

Parce que... Voilà ce que Guillaume va raconter à Kléber et à Clydia :

 

"- Qu'en fais-tu de Kemeneur ?

- Je viens le chercher avant le 12/1/1949.

- Où vas tu le mettre ?

- Chez moi.

Eclats de rire de nous tous, et bien de bon coeur ne s'attendant pas à une telle réponse. "Quel défit".

- Tout le monde, mais le monde le cherchera ailleurs mais pas "chez moi" tu comprends, au fond de mon jardin, j'ai fait une cabane pour mettre le meuble (*)

- Il ne faut pas risquer l'impossible maintenant ?

- Je peux bien emmener des affaires chez moi. Oui, puis Pierre il est à moi, j'ai payé pour lui, pour rien, tu comprends. Tous deux nous sommes liés à la vie à la mort, comme cela il sera vers moi, nous finirons nos jours ensemble, de ma fenêtre, je peux le voir. Je suis bien chez moi. Je m'y plais. 

Son regard allait à 30 degrés, , ce qui me laissait situer l'endroit pas très loin du regard de la fenêtre sur sa droite. Ses descriptions étaient vivantes. On aurait dit qu'il se plaçait à l'endroit même de sa parole, il vivait chaque explication.

- Chez toi, où ?

- Je te l'ai dit ce matin . Quand j'ai quitté ma fille je suis allé chez l'insitutrice.

 

- Alors tu vas... tu es chez l'institutrice ?

- Non plus maintenant j'y suis resté quatre à cinq mois à peu près et j'ai cherché un logement parce que je me trouvais trop à sa charge. Elle faisait l'impossible pour moi, et puis je voulais la laisser libre. Tu comprends c'était le même logement. Ce n'est pas comme une pièce indépendante, elle a sa famille. Je voulais la laisser libre si je pouvais vivre seul ce serait mieux.

J'ai trouvé une petite pièce avec un petit jardin. Oh ! un logement de célibataire, s'il fallait vivre à deux, ce serait trop petit comme pièce. 

Je descends tous les jours chercher ma boule de pain. Je ne peux pas manger autre chose qu'une boule de pain "comme au bagne". Cela me prend une heure et demie pour faire le trajet aller retour. Je fais un détour par l'école en revenant et je lui dis bonjour à la maîtresse. Un petit signe amical à la fenêtre si c'est l'heure des cours.

Une fois par semaine je remonte une bouteille d'eau minérale pour prendre mes médicaments. C'est la mode maintenant d'acheter de l'eau au litre... mais ça fait lourd surtout que ça monte tout le temps du trajet pour regagner ma pièce.

- Cela te fait un grand trajet ?

- Je n'ai jamais réellement calculé la distance, mais il y aurait deux bons kilomètres cela ne m'étonnerait pas. Je ne peux pas te le dire au juste...

- Bon. Comment vis-tu ?

- Dans ma pièce, il y a un lit de camp avec deux couvertures. Je n'ai pas de draps. Inutile au bagne on couchait à même le ciment. Je suis endurci. J'ai deux chaises si on est trois, le troisième s'assied sur le lit, une table et sur ma table mon réveil. Je les regarde tourner les aiguilles. C'est long d'être seul. J'ai un gaz avec deux trous pour faire ma cuisine, quoi ma soupe.

- Tu te fais de la cuisine normalement ?

- Non. Je me fais de la soupe, une salade, mais pas de repas cuisiné. J'ai des voisins qui me gâtent (ndlr les Berthou ???) et m'envoient une portion de lapin, de poulet, etc...c'est même très embêtant car certains jours, pour les fêtes par exemple, tous les voisins m'envoient une portion sur leur repas, et pour moi ça fait trop à la fois, et d'autres jours je n'ai rien. Je ne mange que de la soupe que je me fais Quand j'en ai beaucoup, ça me fait deux ou trois jours mais je ne peux en garder longtemps, ça s'abîme alors je suis obligé d'en jeter.

- Tu as le nécessaire ?

- Oui j'ai trois casseroles, une pour le café, une pour ma soupe et une autre à tous usages, et j'ai de la vaisselle...

- Est-ce que tu as de l'eau ?

- Oui, je vais au puits à côté, j'ai de l'eau comme j'en ai besoin, il n'y a pas de problèmes pour cela.

- Et pour le chauffage, comment fais-tu ?

- J'ai un poêle pour me chauffer, j'ai eu du bois et quand je me promène, je ramasse du bois et je le ramène à la maison pour ça j'ai mon chauffage pour l'hiver. J'ai rentré du bois dans un coin de ma pièce, ce qui m'évite de sortir dehors. 

Dans un autre coin j'ai une pile de journaux, je n'en manque pas, puis j'ai aussi des cahiers. J'en ai écrit des cahiers et des caheirs. Il y en a des spéciaux, tu ne peux pas te rendre compte le nombre de cahiers qu'il faut utiliser quand on veut raconter comme moi mon histoire de ma vie... ça finit par coûter cher sur mon budgets...

- Mais lorsque tu t'absentes, on pourrait te voler tes cahiers ?...

- J'y ai pensé, il faut être malin pour recnnaître un bon cahier parmi les autres. Ils ont une remarque que moi seul peut savoir. 

- Mais si tu t'absentes plusieurs jours ? 

- Je les mets dans une caissette en bois, genre de coffre que j'ai trouvé à la carrière, puis le coffre je l'entoure de journaux "je n'en manque pas" et je l'enterre. bien diable, on va pas penser à les chercher enterrés. On fouillera la maison si on veut me voler. Ils ne trouveront rien sinon ce qu'ils savent tous par mes livres....

Je suis bien comme cale. Je suis dans un palais moi "le bagnard".

Je fais rire mes visiteurs. J'ai des bonnes volontés pour me donner des draps, etc.. Mais je refuse, j'en ai assez pour le temps que j'ai à vivre du moment que je suis revenu en France c'était tout mon espoir plus tard pour ma réhabilitation.

On me donnerait bien des habits, mais avec ma taille, ce n'est pas facile. Il faut acheter pour moi exprès. Si on me tricote un pull . Oui, ça va. mes voisines m'en ont fait un pour l'hiver, j'étais bien content. 

- Si ma femme avait été là, elle aurait fait un paquet de vêtements que je ne mets pas, mais là je ne sais pas quoi te donner ; enfin on regardera ça pour la prochaine fois que tu viendras.

- Tu sais je fais mes comptes, et je fais le plus d'économies possibles pour y arriver.

J'ai fait rentrer du sable, du ciment. Oh deux sacs à la fois c'est tout. Je me suis fait un évier en ciment pour pouvoir jeter mes eaux usées sans avoir à sortir dehors l'hiver. J'ai fait un puits-perdu, à la "manière du bagne". J'ai trouvé le nécessaire à la carrière. 

En faisant le puits-perdu, j'ai fait aussi une cabane pour y mettre le meuble. Oh ! profond, au moins deux mètres, quand j'étais debout dedans on ne pouvait pas me voir, alors tu vois !...

- Tu n'avais pas la grandeur du meuble ?

- Je m'y suis couché dedans, alors tu vois !...

Guillaume met ses coudes légèrement écartés pour faire voir la largeur de la cabane.

- Tu sais au bagne j'ai appris à travailler.

- Mais tes voisins ne te voyaient pas ?

- Si, ils voyaient le puits-perdu, mais pas la cabane puisque je découvrai et recouvrai à chaque fois. C'était le plus long.

- Ah !...

- Que j'ai une tenue pleine de terre, c'était normal puisque je faisais le puits-perdu - que j'ai ma tenue pleine de ciment pas de surprise puisque je refaisiais le soubassement à l'intérieur de la pièce. Personne mais personne ne pouvait émettre un doute. Je ne me cachais pas.

- Quand ta fille venait te voir, elle n'a rien remarqué ?

- Non tu penses, on avait trop de choses à se dire, elle n'allait même pas au bout du jardin, elle n'en avait pas le temps.

Dabord, il lui fallait sa journée pour venir me voir, ce n'est pas que c'est loin, mais ce n'est pas pratique, il faut qu'elle change de cars, puis tu vois le trajet du village à la maison pour venir et s'en aller. il ne lui reste guère plus d'une heure et demie, et le petit lui prend du temps, et on discute beaucoup. Elle savait que je faisais le puits perdu, mais c'est tout...

- Tout cela t'a pris beaucoup de temps... Tu as dû peiner pour faire ce travail...

- Oui, tu sais, creuser la terre c'est dur, évacuer la terre seau par seau pour le puits. J'étais obligé de creuser plus que prévu parce que cela ne paraît pas mais le terrain monte légèrement et il me fallait un dénivellement pour l'évacuation de l'eau. Au début, ça va... mais après il faut étayer, il faut une échelle, remonter la terre seau par seau, les rollons (?) de l'échelle c'est dur, une fois, dix fois, ça va ; mais après c'est dur et à répéter tous les jours et cinq mètres cubes de terre ça ne s'enlève pas comme ça à mon âge.
Je me levais à trois heures du matin. Je travaillais deux heures.= donc une 1/2 heure pour décacher l'entrée, 1 heure pour creuser, faire le ciment, et 1/2 heure pour recouvrir le tout... J'avais une pile pour m'éclairer. La terre que je remontais je la répartissais sur le terrain du jardin, avec des planches, branchages et terre, je recachais l'entrée, ça ne se voyait pas...

Une nuit tout s'est effondré, sans doute à cause de la pluie qui avait détrempé le terrain, j'étais désespéré de tout ce travail à refaire, tout ce travail pour rien. Je ne l'ai pas retouché pendant plusieurs jours et puis je me suis mis à la refaire ma cabane. J'ai étayé davantage avec des planches.

Je me suis mieux organisé, je préparais le ciment le soir et le matin je n'avais qu'à l'utiliser.

Je suis content de mon travail. 

- Comment tes voisins ne voyaient rien que tu te levais tôt le matin ? 

- Non, ils ne voyaient rien, d'abord, je leur tourne le dos pour ainsi dire, et les jardins pleins de végétations, on voyait un tas de terre mais on ne pouvait pas cuber. Je faisais le puits-perdu c'était logique."

 

S'ensuit une conversation entre Kléber et Guillaume où ce dernier raconte comment il a retrouvé l'homme qu'il cherchait à Paris...

 

" - Comment vas-tu faire pour venir chercher le meuble ?

- Je prendrais un taxi. Je peux bien venir chercher des affaires oui. Je mettrai la malle chez moi, et le lendemain je la mettrai dans la cabane et je placerai les papiers. Je fermerai bien.

- Oui, mais ça te fait loourd ?...

- Oh ! au point où j'en suis... Un dernier effort, quoi !... un peu plus de 10 mètres au juste 12 m 60 mais pas 13 mètres !...

Nous avons ri de la précision, mais il est superstitieux il n'aime pas le chiffre 13. 

- J'ai souvent mesuré la distance  je la sais par coeur. Tu sais maintenant elle n'est pas bien lourde, ce n'est que poussière."

 

 

On comprend mieux ainsi  pourquoi, avec toutes ces explications écrites dans le cahier de Madame Bataille, Bernard Le Her ait été troublé et ait fait creuser à la ferme de Rudeval.

Au grand dam de Petit-Fils premier !!!

 

Liliane Langellier

 

(*) Pour désigner la malle, Guillaume Seznec utilise parfois le mot "meuble".

 

in archives Me Denis Langlois

in archives Me Denis Langlois

Rudeval... aujourd'hui....

Rudeval... aujourd'hui....

Rudéval sur Google Earth.

Rudéval sur Google Earth.

Rudéval. Bâtiment principal. Source Me Denis Langlois

Rudéval. Bâtiment principal. Source Me Denis Langlois

Rudéval. La grange. Source Me Denis Langlois.

Rudéval. La grange. Source Me Denis Langlois.

Cadastre Rudeval.

Cadastre Rudeval.

Riec-sur-Belon est à côté de Pont Aven. Plourin Ploudalmezeau est au-dessus de Brest.

Riec-sur-Belon est à côté de Pont Aven. Plourin Ploudalmezeau est au-dessus de Brest.

Lencloître. 16 kilomètres de Châtellerault. 30 kilomètres de Poitiers.

Lencloître. 16 kilomètres de Châtellerault. 30 kilomètres de Poitiers.

Les déplacements de Guillaume Seznec étaient hyper surveillés à sa sortie du bagne...

Les déplacements de Guillaume Seznec étaient hyper surveillés à sa sortie du bagne...

Tout le monde sur le pied de guerre...

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Une liberté très conditionnée...

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